• Des bosons de Higgs dans le passé ?

    Sciences de l'univers

    Des bosons de Higgs voyageront-ils dans le passé au LHC ?

    Par Laurent Sacco, Futura-Sciences 

    Pour peu que nous vivions dans une classe très particulière d’univers branaire, les collisions de protons au LHC pourraient montrer un phénomène digne de la science-fiction. Deux chercheurs affirment que les détecteurs Atlas et CMS pourraient voir l’influence de bosons de Higgs... remontant dans le temps.

    L’idée est complètement folle mais probablement suffisamment pour pouvoir être exacte, pour reprendre une expression bien connue de Niels Bohr. Deux physiciens théoriciens, travaillant dans le domaine des hautes énergies à l’Université Vanderbilt, viennent de publier un article sur arXiv suggérant que des voyages dans le temps sont possibles pour certaines particules élémentaires à l’occasion des collisions de protons au LHC. Thomas Weiler et Chui Man Ho mobilisent plusieurs modèles théoriques apparus depuis une quinzaine d’années pour arriver à cette conclusion stupéfiante.

    Au cœur de leurs spéculations, on trouve des modèles de Kaluza-Klein, c'est-à-dire des géométries de l’espace-temps, dans lesquelles le nombre de dimensions spatiales est supérieur à trois. S’y ajoutent des éléments de la théorie des cordes que l’on retrouve à la racine de la mythique théorie M à onze dimensions (dix d’espace et une de temps).

    Normalement, les conséquences de ces théories ne sont directement testables qu’avec un accélérateur de particules du diamètre de la Voie lactée. Mais depuis les travaux de Arkani-Hamed, Dvali et Dimopoulos (ADD) en 1998 et Randall-Sundrum (RS) en 1999, on sait que cela n’est pas nécessairement le cas. Cela autoriserait par exemple la création de minitrous noirs.

    Dans le cadre de ces théories, notre univers pourrait être l’analogue d’une membrane flottant dans l’espace ou avec des dimensions spatiales supplémentaires compactifiées. Dans ce dernier cas, en tout point de l’espace en trois dimensions, il existerait au moins une dimension spatiale supplémentaire orthogonale aux précédentes, mais qui, au lieu de s’étendre à l’infini, se bouclerait sur elle-même.

    Des photons massifs

    L’une des conséquences de cette dimension spatiale compactifiée serait que les ondes associées aux particules par la mécanique quantique, auraient une composante s’étendant dans cette région d’espace et susceptible d’y former des résonances, à l’instar d’un instrument de musique ou l’équivalent des modes d’oscillation d’une corde élastique fixée à ses deux extrémités.

    Ces états de mouvement étant des états d’énergies liées à des nombres entiers, on pourrait doter toutes les particules du modèle standard, comme les électrons, les quarks et les photons, d’un spectre de masses de plus en plus lourdes. Dans des collisions suffisamment fortes, ces modes d’oscillations seraient donc excités et un électron ou un quark apparaîtraient plus lourds. On parle alors de tour de masses de Kaluza-Klein.

    Que ces dimensions supplémentaires soient compactifiées (ADD) ou infinies (RS), on pourrait penser que rien n’empêcherait les particules du modèle standard, y compris la lumière des étoiles ou les atomes de notre corps, de quitter notre univers membranaire. Ce serait en contradiction avec notre expérience de la vie de tous les jours ou celles en laboratoires de physique des particules depuis des dizaines d’années.

    Il existe cependant, dans le cadre de la théorie M, des mécanismes qui peuvent confiner les particules du modèle standard sur notre membrane, à l’exception cependant des gravitons, les photons du champ de gravitation. Il se pourrait aussi que des états massifs du fameux boson de Higgs soient en mesure de quitter notre membrane.

    C'est là que des conclusions surprenantes apparaissent...

    Depuis une dizaine d’années, les chercheurs ont étudié les conséquences d’une cosmologie branaire à la Randall-Sundrum (RS) et dès le début, quelque chose de très curieux est apparu : la possibilité de voyager plus vite que la lumière pour certains signaux.

    Il y a d’abord un point que le lecteur doit avoir bien présent à l’esprit avant de continuer. La lumière et sa vitesse ne jouent aucun rôle central en physique. Il se trouve que parce que les expériences d’optiques sont les plus précises à mettre en œuvre, il a été possible de découvrir qu’il existait une vitesse maximale pour la transmission d’un signal causal dans l’univers. Mais cette vitesse maximale, qui se retrouve dans la vitesse de propagation de la lumière, est en réalité un effet de l’existence de l’espace-temps et comme tel, doit s’appliquer à tous les phénomènes de la physique dans l’espace-temps. C’est en ce sens que les ondes gravitationnelles se déplaçant dans la structure élastique de l’espace-temps doivent se déplacer à la vitesse de la lumière.

       

     

    Des voyages plus rapides que la lumière ?

    Or, dans le cadre des modèles de type RS, la vitesse des photons, gluons et bosons W et Z médiateurs des forces du modèle standard dans notre membrane à quatre dimensions, peut être plus faible que celle des gravitons. Il existe alors, comme les chercheurs l’ont découvert au début des années 2000, de véritables courts-circuits entre deux événements de l’espace-temps dans notre membrane et l’un peut influencer l’autre plus vite que la lumière par l’intermédiaire d’ondes gravitationnelles voyageant dans l’espace-temps hors de notre univers.

    Toujours du point de vue de notre membrane, cela conduirait à des violations de la causalité et même à l’équivalent de voyage dans le temps. En soi, ce n’est pas complètement nouveau en relativité générale. On connaissait par exemple la fameuse solution cosmologique de Gödel avec un univers en rotation qui autorisait l’apparition de ce qu’on appelle des boucles temporelles (on parle aussi de trajectoire d’univers fermée du genre temps, ou Closed Timelike Curve en anglais). Typiquement, cela conduit au fameux paradoxe du grand-père mais cela a aussi été proposé comme alternative à l’inflation pour expliquer certaines énigmes en cosmologie en relation avec le rayonnement fossile et son uniformité paradoxale. Ainsi, des régions de l’univers primitif auraient pu communiquer entre elles et se refroidir à la même température malgré le fait que la lumière n’aurait pas eu le temps de les connecter au début de la naissance de l’univers observable.

    D’après les calculs de Thomas Weiler et Chui Man Ho, dans un univers de type RS mais avec une dimension spatiale compactifiée selon un cercle comme dans ADD, certains états massifs du boson de Higgs, produit par des collisions entre protons au LHC, peuvent emprunter des trajectoires en spirales le long de ce cercle et remonter dans le temps !

    Il en découlerait que certains événements bien particuliers avec des particules élémentaires se produiraient dans les détecteurs Atlas et CMS avant que des collisions ne s’y produisent !

    Il existe bien sûr de multiples problèmes qui découlent de ces calculs et les deux chercheurs ne les esquivent pas. Bien que limitée en première approximation au monde des particules élémentaires, la possibilité d’envoyer ainsi des messages dans le passé fait ressurgir le paradoxe du grand-père, bien connu lorsque l’on considère des voyages dans le temps. Surtout, il y a une règle sacro-sainte en mécanique quantique qui est celle de l’unitarité. En gros, lorsque l’on additionne les probabilités concernant un processus physique, on doit toujours trouver 1. Mais si l’on considère des voyages dans le temps, cela peut devenir très problématique. Cependant, des processus non unitaires ont souvent été proposés dans des alternatives à la mécanique quantique standard.

    On l’a vu, les calculs des chercheurs reposent sur bien des hypothèses physiques. Il s’agit de belles spéculations mais il n’est pas évident du tout qu’elles survivront aux expériences en cours. Mais cela montre à quel point nous sommes peut-être à la veille de profondes révolutions dans notre vision de la structure du cosmos et des processus nous ayant conduit du Big Bang.

    Source : futura-sciences

     

     Le LHC (Accélérateur de particules. 

    D'une circonférence de 27 kilomètres, le LHC (Large Hadron Collider ou grand collisionneur de hadrons) est le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules du monde. Situé à la frontière franco-suisse, il dépend du Cern. Les premiers faisceaux de particules, des protons, l'ont parcouru le 10 septembre 2008 et les premières collisions se sont produites le 30 mars 2010. 

    Des faisceaux de proton (allant à 99.999999 % de la vitesse de la lumière) et même d'ions lourds y circulent lorsqu'il fonctionne. Les objectifs du LHC au niveau de la physique standard sont la détection du boson de Higgs et l'étude du quagma, le plasma de quarks et de gluons produit par collisions d'ions lourds. La détection du Higgs est nécessaire pour valider complètement le modèle standard électrofaible joint à la QCD. Le quagma est un état de la matière hadronique que l'on doit trouver dans certaines étoiles à neutrons et dans les tout premiers instants de l'univers, son étude devrait être faite avec le détecteur Alice.

    Par contre, au niveau de la physique non standard, les possibilités sont vertigineuses ! 

    Les missions du LHC

    En premier lieu, c'est la détection des partenaires supersymétriques des particules du modèle standard qui devrait faire l'objet du maximum d'attention, c'est la tâche des détecteur Atlas et CMS. Avec la mise en évidence du Higgs, cela devrait nous donner une clé importante pour la compréhension de la masse des particules de l'univers et peut-être aussi la nature de la matière noire. LHCb devrait pouvoir aussi nous renseigner sur la supersymétrie, mais son objectif principal est de comprendre la violation CP, capitale pour l'élucidation de l'énigme de l'asymétrie matière/antimatière. 

    En second lieu, la mise en évidence de dimensions spatiales supplémentaires, et même la détection de la création de minitrous noirs, avec Atlas et CMS, fait partie des possibilités les plus excitantes. La théorie des cordes pourrait même y trouver une confirmation !

    Toutefois, sauf surprises, il faudra probablement attendre fin 2012 pour que le LHC collecte un nombre assez grand de données pour pouvoir tester ces théories encore très spéculatives.

    Source : futura-sciences 

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