• Le destin incroyable de Henrietta Lacks

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    Le destin incroyable de Henrietta Lacks

    Une jeune Noire américaine dont le cancer a permis à la médecine de soigner des millions de personnes. 

    Un des personnages les plus importants de la médecine moderne grâce à ses cellules immortelles !

    Henrietta et son mari, Day, cultivateur de coton dans les années 40. (DR)
    Henrietta et son mari, Day, cultivateur de coton dans les années 40. (DR)

    Que reste-t-il d'Henrietta Lacks née le 1er août 1920 à Roanoke, en Virginie? Essentiellement les deux premières syllabes de son prénom et de son nom: HeLa. Ces quatre lettres ont fait de cette femme noire américaine, quasi analphabète et cancéreuse, l'un des personnages les plus importants de la médecine moderne.

    4 février 1951. Henrietta Lacks parcourt avec son mari les trente kilomètres qui séparent son domicile de l'hôpital Johns Hopkins de Baltimore, seul établissement de la région soignant gratuitement les pauvres et accueillant les gens de couleur. Il pleut. Henrietta sort de la vieille Buick en clopinant, sa veste sur la tête. Elle a 31 ans et souffre d'un mal de ventre tenace. A force de ne pas vouloir se rendre chez le médecin, la douleur est devenue intenable. «J'ai un nœud dans le ventre», lâche-t-elle à l'infirmière, dans la salle d'attente réservée aux Noirs. En fait de nœud, le gynécologue Howard Jones lui découvre une tumeur cancéreuse maligne à l'utérus. 

    L'incroyable histoire d'Henrietta Lacks ne fait que commencer. Rebecca Skloot a mis plus de dix ans à la reconstituer. Un travail de fourmi qui se lit à la fois comme un roman et un livre scientifique et qui lui a valu le prix du Livre de l'année par le libraire en ligne Amazon*.

    Rebecca Skloot explique qu'en 1951, l'hôpital Hopkins ne se contente pas de soigner les malades. Il dispose d'un département recherche. A l'époque, tous les laboratoires espèrent en vain développer des expériences in vitro (en dehors d'un organisme vivant). Malheureusement, personne n'arrive à cultiver des cellules humaines assez longtemps pour entreprendre des travaux sérieux. Quelle que soit la manière dont elles sont nourries, elles dépérissent.

    Surpris par la fulgurance du cancer d'Henrietta, les médecins lui prélèvent des cellules pour les étudier sans même lui demander son avis. Une pratique alors courante. A Hopkins, un certain docteur George Gey dirige le laboratoire de recherches sur les cultures tissulaires. Quand il arrive avec le prélèvement d'Henrietta, son assistante le reçoit sans beaucoup d'enthousiasme. Elle prépare les éprouvettes et inscrit HeLa sur les échantillons. Elle est persuadée que les cellules périront comme toutes les autres.

    George Gey espère. Il y croit d'autant plus qu'en 1943 des chercheurs ont réussi la réplication à l'infini de cellules de souris.

    Le lendemain, quand l'assistante vérifie les échantillons HeLa, elle constate que les cellules saines sont mortes. En revanche, il se passe de drôles de choses dans les éprouvettes qui abritent les cellules cancéreuses. Ces dernières restent en vie ! George Gey ne s'emballe pas. Mais au bout de quelques jours, force est de constater que non seulement elles sont en vie, mais qu'elles prolifèrent à une vitesse vertigineuse. Leur nombre double toutes les vingt-quatre heures ! Gey vient de réussir ce que le monde scientifique espère depuis des années : une culture de cellules humaines immortelles.

    Une cellule miracle

    La nouvelle se répand dans la communauté scientifique. Chaque chercheur réclame son lot de HeLa pour enfin poursuivre ses recherches dans de bonnes conditions. Alors qu'Henrietta Lacks vient à peine d'être terrassée par son cancer fulgurant de l'utérus, au mois d'octobre 1951, pratiquement autant de cellules que celles constituant son corps envahissent les labos. Dès 1952, «des milliers de litres de milieu de culture selon la recette de George Gey sont produits, raconte Rebecca Skloot. HeLa devient la bête de somme de la biologie mondiale».

    Les cellules d'Henrietta traversent non seulement les Etats-Unis, mais partent en Amérique du Sud, en Europe et en Asie, par bateau, par avion ou même à dos de mulet. C'est sur HeLa que les chercheurs testent les techniques de congélation de cellules. C'est avec elle qu'ils normalisent les protocoles de culture de cellules. C'est aussi grâce à elle que la communauté scientifique avancera rapidement dans le domaine de la génétique, la lutte contre le VIH ou la compréhension des cancers.


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    Dès 1952, HeLa sauve des milliers de vie de la polio en permettant l'élaboration d'un vaccin par le Pr Jonas Stalk. La maladie est presque éradiquée en moins de deux ans. Des millions d'enfants, grâce à deux gouttes simplement posées sur la langue, abritent un peu d'Henrietta Lacks en eux.

    Dans les années 60, le succès de HeLa, si facile à cultiver, finit par intéresser les journalistes. D'où vient cette cellule miraculeuse? Les médecins préfèrent le cacher, par peur sans doute qu'on ne leur reproche de ne pas avoir demandé son avis à la patiente. En 1973, une annonce est publiée dansNature, la revue de référence: «Cette femme a véritablement atteint l'immortalité, à la fois dans les tubes à essai et dans le cœur des scientifiques du monde entier. Pourtant, nous ne connaissons pas son nom! Quelqu'un a-t-il la réponse?» Les laboratoires ne répondront pas, laissant courir des rumeurs sur des noms divers comme Helene Lane ou Helen Larson.

    Il faudra attendre les années 90 pour que son vrai nom soit enfin divulgué au grand public. Fin de l'histoire? Non, car un dernier secret doit être découvert dans l'incroyable vie post mortem d'Henrietta Lacks. Pourquoi? Oui, pourquoi ses cellules ne meurent-elles jamais? Le mystère est percé à la fin du XXe siècle. Grâce à HeLa, les chercheurs ont pu constater que des cellules cancéreuses sont capables de se reproduire à l'infini. Les cellules saines, elles, vieillissent au rythme d'un brin d'ADN existant dans chaque chromosome. Appelé télomère, il se réduit à chaque division cellulaire, puis disparaît. La cellule arrête alors de se diviser et meurt. En fait, les cellules cancéreuses sont capables de reconstituer leur télomère grâce à une enzyme, la télomérase. Cette véritable fontaine de jouvence est l'une des clés de l'immortalité possible de nos cellules.

    Les chercheurs à l'origine de ces découvertes ont reçu le prix Nobel de médecine en 2009. Henrietta Lacks, elle, aurait 91 ans le 1er août prochain. Un peu morte, certes. Mais jamais aussi vivante qu'aujourd'hui et toujours un peu moins que demain. Ses cellules misent bout à bout pourraient faire aujourd'hui trois fois le tour de la Terre.

    * La Vie immortelle d'Henrietta Lacks, de Rebecca Skloot, Calmann-Lévy,   Christophe Doré

    Utilisées dans de nombreux laboratoires, les cellules de la jeune Noire américaine morte en 1951 d'un cancer livrent encore leurs secrets.

    Beaucoup de vaccins et de médicaments ont été testés, et des milliers d'essais thérapeutiques effectués, à partir des cellules prélevées sur Henrietta Lacks, une jeune femme noire américaine morte dans la misère en 1951, à l'âge de 31 ans, d'un cancer du col de l'utérus. Ce sont les cellules de ce cancer qui se sont avérées immortelles dans les cultures de laboratoire et qui ont permis d'évaluer nombre de produits de santé destinés à l'homme.

    Il y a deux ans, Rebecca Skloot, une journaliste américaine, a écrit l'histoire d'Henrietta dans le sud des États-Unis encore rongé par le racisme dans les années 1940-1950, une histoire à la fois humaine et scientifique. Dans la foulée de son livre (La Vie immortelle d'Henrietta Lacks, Calmann-Lévy, 2010), l'auteur a créé la Fondation Henrietta Lacks, qui a pour objectif de subvenir aux frais scolaires et médicaux des descendants d'Henrietta qui vivent chichement, sans protection sociale, alors même que les industriels de la santé ont fait parfois fortune grâce aux cellules d'Henrietta.

          

    La semaine dernière, il a encore une fois été question des cellules d'Henrietta Lacks. Une équipe américaine a commencé à comprendre pourquoi les cellules du cancer d'Henrietta sont devenues immortelles. Ils ont publié leurs conclusions dans la revue Nature datée du 7 août 2013. Par ailleurs, tout récemment, l'Institut national de la santé (NIH) a pris contact avec les membres de la famille d'Henrietta. Il a été décidé d'intégrer deux d'entre eux dans un comité scientifique et éthique qui validera les recherches génétiques conduites sur le génome de l'immortelle Henrietta Lacks.

    De nouvelles cellules toutes les 24 heures

    La jeune femme est morte en 1951 d'un cancer du col de l'utérus virulent, dans un service réservé aux pauvres et aux Noirs de l'hôpital Johns Hopkins, à Baltimore, dans le Maryland. Avant qu'elle ne décède, un chirurgien a prélevé des échantillons de sa tumeur et les a déposés dans une boîte de Petri. Les chercheurs tentaient depuis longtemps de maintenir en vie des cellules humaines en culture pour tester des remèdes et comprendre le fonctionnement humain. Mais les cellules séparées de leur corps d'origine finissaient toutes rapidement par mourir. Or, pour la première fois, celles d'Henrietta Lacks se sont tout de suite avérées différentes: une génération nouvelle de cellules apparaissait toutes les 24 heures. Depuis, elles n'ont jamais arrêté de se multiplier.

    Les cellules HeLa - c'est sous ces deux syllabes que les scientifiques désignent ce matériel biologique - ont prospéré de manière fulgurante au point d'être, encore aujourd'hui, diffusées dans tous les laboratoires de la planète. Lorsque l'on tape «HeLa» sur un moteur de recherche scientifique, on découvre que 64.000 études récentes ont été faites à partir de ces cellules. Cela ne représente qu'une infime partie des cultures utilisées, la majorité des recherches n'étant pas publiées ni répertoriés, car trop anciennes pour apparaître sur Internet. Selon l'estimation d'un scientifique, si l'on pouvait empiler sur une balance toutes les cellules HeLa produites depuis le début de la mise en culture, elles pèseraient plus de 50 millions de tonnes.

    Un potentiel de croissance extraordinaire

    Pourquoi les cellules d'Henrietta Lacks ont-elles eu un tel potentiel de croissance? Pour la première fois, les chercheurs de l'université de Washington apportent un début d'explication. Le cancer du col de l'utérus est dû à un virus, le papillomavirus, transmis sexuellement et qui s'intègre au génome de la cellule qu'il infecte pour la transformer en cellule cancéreuse. Dans le cas précis de ce cancer, le gène cancérigène du virus ayant infecté Henrietta se serait inséré dans une cellule du col de l'utérus d'Henrietta à côté d'un gène cellulaire dit oncogène capable lui aussi de déclencher un cancer.

    La proximité de ces deux gènes cancérigènes (celui du virus et celui d'Henrietta) les aurait conduits à se stimuler mutuellement et à potentialiser leurs effets, induisant ainsi une tumeur d'une grande capacité de croissance et de diffusion. «C'est une sorte d'orage complet qui a fait que tout allait mal en même temps, dans une même cellule. Le virus s'est inséré dans son génome de la manière la pire qui soit», explique Andrew Adey, un des auteurs de l'étude.

    Un modèle cellulaire contesté

    La publication, en mars dernier, du code génétique des célèbres cellules cancéreuses de Henrietta Lacks (HeLa) par des biologistes du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) à Heidelberg a provoqué une violente polémique aux États-Unis. Les membres de la famille Lacks accusaient les chercheurs d'avoir publié des données qui relevaient des sphères «familiales et privées» sans leur accord. En 1951, les cellules cancéreuses avaient été prélevées sur la jeune malade américaine sans son consentement, ce qui serait aujourd'hui impossible avec les règles éthiques en vigueur. Les descendants des cinq enfants de Henrietta Lacks craignaient en fait que ne soient rendues publiques des mutations génétiques dont ils auraient pu hériter. La crise n'a trouvé une issue que la semaine dernière, avec un accord passé entre les Instituts américains de la santé (NIH) et la famille Lacks. Ces derniers obtenant un droit de regard sur ce qui pourra ou non être publié à l'avenir.

    Mais, assez ironiquement, les chercheurs allemands qui ont décrypté le génome des cellules HeLa ont trouvé qu'elles contenaient beaucoup trop de mutations inhabituelles, et ne devraient plus servir de modèle universel des cellules cancéreuses.

    (source : lefigaro)

    Les cellules Hela

    Les cellules humaines les plus utilisées dans la recherche souffrent d’importantes mutations génétiques

    Les cellules, appelées HeLa, proviennent d’une tumeur du col utérin prélevée chez une patiente, Henrietta Lacks, à son insu à l’hôpital Johns Hopkins (États-Unis) en 1951. Elles ont été utilisées, entre autres, dans l’étude du vaccin contre la polio et dans de nombreux traitements contre le cancer, et plus de 50 millions de tonnes de cellules HeLa ont été produites au fil du temps.

    Le Guru les a largement décrites dans son article : Les immortelles cellules d’Henrietta Lacks. (en photo d’entête : la division d’une immortelle cellule d’Henrietta).

    Suite à leur récent séquençage, il s’avère que les cellules humaines, que les scientifiques ont le plus étudiées dans la recherche depuis plus de 60 ans, ont des mutations génétiques inattendues et assez importantes. Le problème, c’est qu’elles ont été et sont encore utilisées dans plus de 60 000 études.

    Cellules HeLa : ADN (bleue), tubuline (rouge). (Asae Igarashi)

    Cellules-HeLa2

    Les cellules Hela ont servi, depuis 1951, dans plusieurs domaines de la science et de la recherche, du vaccin contre la polio, à la description de l’activité des télomérases, en passant par l’identification du virus du Sida. (EMBL/Jonathan Landry)

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    Des généticiens allemands (Laboratoire européen de biologie moléculaire d’Heidelberg – EMBL, Allemagne) soulèvent des interrogations sur l’intégrité génétique de ces cellules.

    Un récent séquençage génomique de la populaire lignée "Kyoto" HeLa révèle des erreurs connues, communes aux cellules cancéreuses, comme des copies supplémentaires de certains chromosomes, mais présente aussi des mutations inattendues comme une forte expression de certains gènes et le remaniement de segment sur de nombreux chromosomes.

    Les scientifiques sont intéressés par le suivi de différentes lignées de cellules HeLa afin de déterminer comment elles ont muté et ils veulent aussi séquencer le génome des cellules d’origines tumorales pour voir quelles mutations faisaient partie de la tumeur initiale.

    Cependant, ces résultats soulèvent des préoccupations quant à la pertinence de l’utilisation des cellules HeLa comme modèle “humain”. Après plus de 60 ans, il est peut-être temps qu’elles prennent leur retraite.

    (source : gurumed)  

      

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