• Les 7 merveilles du monde

    Lieux énigmatiques
     

    Les 7 merveilles du monde 

    La liste des Sept Merveilles, dont la genèse est méconnue, cite quelques unes des œuvres architecturales et artistiques les plus extraordinaires du monde antique. Elles correspondent toutes à des réalisations qui excèdent largement les proportions communes. Ces œuvres montrent qu'avec des moyens, pour nous rudimentaires, architectes et bâtisseurs de l'époque étaient capables, à force de labeur et d’ingéniosité, d’ouvrages prodigieux (en grec : « thaumasia »). La popularité des monuments a suivi l’influence politique et économique des cités, et la construction d’un élément architectural imposant venait consacrer cette prédominance : Éphèse, Halicarnasse, Rhodes, Babylone et Alexandrie. De sorte que si le monument était l’emblème de la cité, leurs destins à tout deux, on l’a constaté, étaient inévitablement liés.

     La liste des sept Merveilles

    On constate que trois Merveilles seulement échappent au monde hellénique, celles d'Égypte et de Babylone, et qu’une seule se situe au cœur de la Grèce, celle d’Olympie. Elles sont toutes comprises dans les territoires conquis par Alexandre le Grand et les plus orientales sont à distance raisonnable d’Alexandrie. En notant aussi que la plupart de ces ouvrages étaient visibles près de la mer, on peut avancer que la liste soit le résultat de récits de grands voyageurs, souvent des érudits, revenus d’un long périple pleins d’admiration de ce qu’ils avaient vu.

    Contrairement à la tendance actuelle, les Merveilles sont toutes des ouvrages distincts et non des villes ou des sites naturels. En comparaison avec les réalisations grecques de taille plus modeste mais très sophistiquées, le gigantisme qui laisse toujours chez le visiteur une forte impression obtient dans cette sélection la première place. Ainsi, aucun auteur qui nous soit parvenu n'a mentionné le Parthénon comme un bâtiment digne d'admiration, alors qu'il représente aux yeux des spécialistes ce qui s'est fait de mieux dans l'art ornemental.

    Hérodote, historien grec, a été le premier à décrire des réalisations qui lui parurent extraordinaires et l’une au moins s’est trouvée, par la suite, immortalisée: la grande Pyramide, et dans une certaine mesure: le rempart de Babylone. Mais cet auteur sérieux du Ve siècle av. J.-C. ne les mentionne pas comme associées à d’autres « merveilles ». On peut donc affirmer sans grand risque de se tromper que de son temps aucune liste sélective n’était constituée.

    La liste canonique

    Ces œuvres se situent autour du bassin méditerranéen :

    la pyramide de Khéops de Memphis (Gizeh ou Gizâ), en Égypte
    les jardins suspendus de Babylone, en Mésopotamie (Irak actuel)
    la statue chryséléphantine de Zeus en majesté dans son temple d’Olympie, en Élide (Grèce actuelle)
    le temple d'Artémis à Éphèse, appelé aussi l’Artémision, en Ionie, Asie Mineure (Turquie actuelle)
    le tombeau de Mausole, dit le Mausolée, à Halicarnasse, en Carie, Asie Mineure (Turquie actuelle)
    la statue de bronze d’Hélios, dite le Colosse de Rhodes en Grèce
    la tour-fanal de Pharos, dite le Phare d'Alexandrie en Égypte

     

    Leurs dates de construction, approximatives pour la plupart, s'étendent sur plusieurs siècles, entre environ 2650 av. J.-C. pour la pyramide égyptienne et le début du IIIe siècle av. J.-C. pour le phare d’Alexandrie, considéré comme le plus récent. De nos jours, la merveille de Memphis reste visible quand toutes les autres ont disparu, après avoir souffert des incendies, des intempéries, des séismes, et aussi de la main de l’homme. L'existence de toutes ces merveilles a été plus ou moins prouvée par des témoins archéologiques, excepté pour les « Jardins suspendus » de Babylone dont il ne reste aucune trace probante et dont la réalité historique est toujours en question.

    La liste de Philon

    La liste primitive des sept Merveilles est celle qui a gardé le fonds commun le plus ancien, et qu’a retenue un certain Philon de Byzance. Mais elle ne s’est pas imposée tout de suite puisqu’elle a subi au cours des années de multiples variantes chez divers auteurs. Jean-Pierre Adam en dénombre pas moins de dix-neuf entre le IIe  siècle av. J.-C. et le XIVe siècle. Ce dont on est le mieux assuré est que la liste qui nous intéresse ne put être définitivement établie avant l’élévation du Colosse de Rhodes, Merveille régulièrement citée, et on ne saurait donc situer l’ancienneté de la liste avant les années 290 avant J.-C., soit le début du IIIe siècle av. J.-C.. D’un autre côté, Antipater de Sidon, poète grec qu’on pense être disparu tout à la fin du IIe siècle av. J.-C., écrivit une épigramme qui contient la mention la plus ancienne d’une liste complète ; d’où on en déduit que la limite postérieure de la composition de la liste est donc antérieure au premier siècle avant notre ère. 

    Gravure du 18ème s.

      Les plus anciens témoignages écrits

    Entre la période d’Hérodote et la liste de Philon, quelques auteurs ont mentionné une ou plusieurs réalisations étonnantes comme étant une des « Merveilles du monde » tandis que d’autres en ont décrit une ou plusieurs assez longuement.

    Callimaque de Cyrène

    Callimaque, poète et polygraphe grec de la fin du IIIe siècle av. J.-C., fut célèbre en son temps et s’était fixé à Alexandrie où il tint un rôle important à la Bibliothèque. De son œuvre comportant, selon la Souda, près de huit cents ouvrages dont un catalogue de la Bibliothèque constitué de 120 livres, les Tableaux (Pinakes)  il ne nous est parvenu entiers que 6 hymnes et 63 épigrammes. Nous ne disposons pour le reste que de rares fragments de poésies diverses principalement des iambes et de quelques citations par des auteurs anciens. La Bibliothèque alexandrine et le Musée étaient alors un centre culturel en effervescence. Des érudits y passaient au crible les manuscrits dont ils assuraient la conservation, les commentaires, la diffusion et surtout la correction des copies et, en « véritables fondateurs de la science philologique moderne », ils ont entretenu et développer le savoir de leur époque. Nous connaissons ainsi leur goût des codex, des bibliographies, des catalogues, des listes, des scholies... Aussi, l’archéologie moderne n’interdit-elle pas de croire que la fameuse liste ait pris naissance dans la ville créée par Alexandre le Grand, lequel et son entourage auraient en leur temps donné à cette cité un élan vital.

    Callimaque était donc un auteur des plus aptes à nous renseigner sur les Merveilles. Malheureusement, le reliquat de sa production est trop mince. Une épigramme fragmentaire trouvée sur un papyrus d’Oxyrhynchos nous apprend que le poète aurait bien parlé du Zeus de Phidias mais on n’en a guère pu déchiffrer que la hauteur du trône. En revanche, une heureuse coïncidence nous apprend que Strabon connaissait ce poème puisqu’il y fait allusion : « Certains auteurs donnent les dimensions de la statue et Callimaque même les cite dans un poème en vers iambiques ». Et quand le même auteur écrit plus loin : « l’œuvre de Charès de Lindos, le colosse de Rhodes, duquel l’auteur des vers iambiques dit que sa hauteur est de sept fois dix pieds » on ne peut s’empêcher de penser que la périphrase vise le même poète, admiré de Strabon.

    Callimaque avait, d’autre part, entrepris un vaste recueil : « Collection des merveilles sur toute la terre, classées par lieu », où l’on a voulu croire qu’était consignée, entre autres, la liste des Merveilles. Cependant, outre que nous n’en avons que le titre, le contenu, en l’état de nos connaissances, est toujours hypothétique : sans doute, un mélange de curiosités de la nature, d'inventaires de monuments, de listes de lieux géographiques... C’est par de tels ouvrages offrant du « merveilleux » que Callimaque est considéré aujourd’hui comme l’initiateur de la « paradoxographie », qui « se définit autant par son contenu que par sa technique d’écriture, combinant la brièveté, la parataxe et le ton du constat objectif. Le texte paradoxographique générait auprès de ses lecteurs un plaisir spécifique, où se mêlent le littéraire et l’esthétique, la curiosité para-scientifique et les motivations passionnelles et fantasmatiques ».

    Nous ne pouvons facilement écarter l'idée que, s’il nous est pas possible de prouver qu’il en fut le créateur - selon Jean-Pierre Adam, « divers indices font même penser que les principes qui la régissent ont été conçus dans une autre partie du monde »- Callimaque connaissait une liste des Merveilles et l’a chantée dans une poésie qui s’est perdue.

    Autres documents

    Un papyrus du IIe siècle av. J.-C., de la même époque qu’Antipater, parmi les manuscrits grecs trouvés au Fayoum, région archéologique au sud-ouest du Caire, laisse voir parmi d’autres textes un bref fragment intitulé Ta hepta the[amata]  le titre est tronqué où sont seulement cités les Pyramides, le temple d’Éphèse et le tombeau d’Halicarnasse.
    Diodore de Sicile, historien compilateur grec du Ier siècle av. J.-C. et contemporain de Jules César, nous parle des deux endroits décrits par Hérodote, à savoir les Pyramides de Memphis et la ville de Babylone, et nous gratifie en plus d’une bonne vingtaine de lignes sur son « Jardin suspendu ». On trouve chez les Anciens, soit le pluriel, soit le singulier pour désigner les Jardins [kremastos kèpos ou paradeisos (qui a donné « paradis »)] ; mais sans doute que le pluriel est simplement une conséquence des terrasses élevées l’une au-dessus de l’autre.
    Vitruve, architecte romain du Ier siècle av. J.-C., auteur d’une somme considérable sur l’architecture, apparaît avoir entendu parler des Sept Merveilles puisque dans un paragraphe qui lui est consacré il rappelle que le Mausolée en fait partie : « Au milieu d’une vaste enceinte, est érigé le Mausolée ou tombeau de ce roi, d’un art si exquis qu’on le compte parmi les sept merveilles du monde... ». Cependant, on aurait été en droit de s’attendre à des considérations judicieuses de la part de ce spécialiste, mais c’est à peine si cet auteur évoque encore l’Artémision et les Murailles de Babylone, dont les Jardins suspendus sont ignorés. Pire, il s’étend sur Rhodes et le siège fait par Démétrios Poliorcète sans même mentionner le Colosse. Ce Romain semble méconnaître, voire dédaigner les réalisations du monde grec. On peut même «  envisager que si Vitruve s’est plu à parler ainsi du Mausolée d’Halicarnasse, il le faisait parce qu’Auguste avait choisi ce modèle pour son propre mausolée sur le Champ-de-Mars ».
    Strabon, géographe grec de la fin du Ier siècle av. J.-C., confirme que de son temps une liste existait déjà, proche de celle que reprendra Philon de Byzance. Ainsi, il parle du Mausolée : « C’est à Halicarnasse que fut construit le tombeau de Mausole, ouvrage rangé au nombre des sept merveilles du monde... » ; puis du rempart de Babylone : « Sur le sommet de ce rempart, il a été fait un passage assez large pour que deux quadriges s’y croisent. On comprend qu’un tel ouvrage ait été rangé au nombre des sept merveilles du monde, sans oublier le jardin suspendu ».
    Quinte-Curce qui vécut pendant le règne de l’empereur Claude, eut l’occasion en écrivant sa « Vie d’Alexandre », au moment de l’évocation du séjour du jeune conquérant à Babylone, de décrire ses célèbres jardins. Ce qui constitue, avec celui de Diodore, un des deux documents les plus importants sur cet ensemble botanique.
    Pline l'Ancien, qui vécut lui aussi au premier siècle sous Claude puis sous Néron, est l’auteur d’une « Histoire naturelle » monumentale. Esprit curieux et universel, il n’a pas hésité à s’intéresser à tout ce qui pouvait instruire ses contemporains et les étonner  il est sur ce point le continuateur romain de Callimaque et de la paradoxographie. Il nous parle, dans son livre XXXVI consacré aux pierres, de cinq des sept ouvrages canoniques, cette fois avec le Phare, mais sans rien de Babylone et peu de Rhodes. C’est au livre XXXIV-18 que Pline nous renseigne sur la statue rhodienne mais pour la décrire sous la forme d’un géant abandonné à terre et désarticulé.
    Pausanias, géographe grec du IIe siècle, dit le Périégète, auteur d’un passionnant panorama de la Grèce, « témoin irremplaçable de la Grèce à l’époque romaine, avant les destructions du IIIe siècle ». Ce grand voyageur s’est malheureusement limité aux « merveilles » de la Grèce continentale et nous n’avons pu récupérer que sa description, heureusement très instructive, du Zeus olympien.
    Merveilles Date approximative de construction Lieu Destination Maître d’ouvrage
    Pyramide de Khéops -2650 (+ 25 ans de travaux) Memphis (Gizeh) Tombeau du Pharaon Khéops
     Encore debout, mais parement disparu; exploitation partielle en carrière avant le XXe siècle  Pyramides de Gizeh (Barclay).jpg      
    Jardins suspendus VIe siècle av. J.-C. Babylone (Irak) Jardin d’agrément pour une princesse Sémiramis ou Nabuchodonosor II
     Disparus à partir du IIIe siècle av. J.-C., avec le déclin puis l’abandon de la cité  Jardins suspendus de Babylone (Barclay).jpg      
    Statue chryséléphantine de Zeus -437 (+ 5 ans de travaux) Olympie (Élide) Pour siéger au nouveau temple La cité des Éliens
     Détruite lors d’un incendie en 475, à Constantinople où elle avait été transportée  Zeus d'Olympie (Barclay).jpg      
    Tombeau de Mausole -355 (+ 6 ans de travaux) Halicarnasse (Carie) Tombeau du couple royal Mausole & Artémise II
     Détériorations à partir du IVe siècle (guerres d'invasion et intempéries). Au XIe siècle, état d'enlisement (séisme ?). Puis exploitation en carrière pour des défenses militaires à partir du XIVe siècle.  Tombeau de Mausole (Barclay).jpg      
    Temple d'Artémis -340 (+ 1 siècle de travaux) Éphèse (Lydie) Remplacement d’un temple détruit (dédié à Artémis) La cité d'Éphèse
     Pillage et incendie au IIIe siècle par les Scythes. Partiellement relevé. Puis, abandon du culte et exploitation en carrière vers la fin du IVe siècle  Le temple d'Artémis (Diane) à Éphèse      
    Colosse de Rhodes -303 (+ 12 ans de travaux) Rhodes (Grèce) En souvenir du siège de la ville levé par Démétrios Ier Poliorcète (-304) La ville de Rhodes
     Tremblement de terre de -224 (cassé au niveau des genoux) ; puis enlèvement des débris en 653  Colosse de Rhodes (Barclay).jpg      
    Phare d'Alexandrie -290 (+ 10 ans de travaux) Île de Pharos Alexandrie (Égypte) Aide à la navigation Ptolémée Ier
     Troisième étage plusieurs fois restauré à la suite de séismes. Dégradation progressive et ruine au XIVe siècle ; enfin exploitation en carrière pour des défenses militaires à partir de 1477  Phare d'Alexandrie (Barclay).jpg      
     

    À propos des Sept Merveilles

    Le dernier des Sept

    Le Phare, ouvrage pratiquement contemporain du Colosse, apparaît seulement dans les listes tardives, généralement en remplacement du rempart de Babylone et termine la liste canonique adoptée jusqu'à nos jours. Son rôle utilitaire exceptionnel, le style singulier de sa construction lui avaient attiré un intérêt très vif et acquis une renommée étendue. Cette tour-fanal, souvent imitée, suscita des légendes et supplanta d’autres curiosités. Elle fut érigée pour honorer, pensent certains orientalistes, la mémoire de Ptolémée Sôter qui développa Alexandrie. Cette grande cité, alors centre culturel avec son Musée et sa Bibliothèque, n’est certainement pas étrangère à la popularité de cet édifice. Mais il aura fallu attendre un hasard de l’époque de la Renaissance pour retrouver cet ouvrage définitivement intégré à la liste des Merveilles.

    Le second plutôt que le premier

    L’Artémision d’Éphèse du VIe siècle av. J.-C. qui fut incendié en -356, n’a jamais fait partie d’une quelconque sélection de monuments privilégiés car à cette époque, si ce temple était déjà universellement admiré, aucun texte ne parlait de listes de merveilles ; et lorsqu’une d’entre elles devint populaire, ce premier temple avait depuis longtemps disparu pour faire place à un second rehaussé mais construit à l’identique. Cette erreur est commune. De son côté, Pline l’Ancien, qui ne peut avoir vu que le dernier des deux, a lui-même, dans son récit, confondu l’un et l’autre : «  De ces colonnes, trente-six sont sculptées et l’une l’a été par Scopas et l’architecte qui présida à l’ouvrage fut Chersiphron ». L’architecte était bien là pour construire le premier temple mais le sculpteur ne travailla au second qu'au moins deux siècles plus tard.

    La plus grande des trois

    Les Pyramides, pour la plupart des auteurs principaux, Hérodote, Diodore de Sicile, Strabon, Pline l'Ancien, et aussi Philon, forment une merveille dans leur ensemble (en grec ancien :Memphei pyramides). Pline écrivait : « Les trois autres dont la renommée est universelle et que tous les navigateurs du fleuve ont l’habitude de voir... ». Ces trois sœurs qui ont toutes leur angle sud-est parfaitement aligné et leur porte d’entrée sur le côté nord ont autrefois paru indissociables.

    La liste définitive a consacré la pyramide de Khéops, parce qu’elle est évidemment la plus ancienne, la plus complexe, voire la plus ésotérique, mais surtout parce qu’aux yeux de l’arpenteur, elle dépasse – mais de très peu - celle de Khephren. Curieusement, pour un visiteur arrivant de tous côtés - excepté du nord - c’est cette dernière qui semble, grâce à une légère élévation du terrain, la plus haute ; à tel point que les chroniques arabes nous les ont fait parfois confondre. Khéops est le premier essai tâtonnant – et par imitation de celle de Snefrou, à Meidoum - d’une architecture poussée à l’extrême et, aussi, selon certains spécialistes d’architecture, la pyramide qui présente le plus d'anomalies de structure interne.

    Khephren, qui a le mieux résisté, a conservé son revêtement sommital et fait pour ainsi dire figure de « pyramide générique ». Sa silhouette plus élancée a été inspirée directement par l’équerre égyptienne: deux triangles rectangles – de côtés en proportion 3,4 et 5 - accolés verticalement par leur base lui donne sa pente. De son côté, Mykérinos, la plus soignée, est généralement dédaignée. Cette dernière pyramide, selon Strabon, « de dimensions beaucoup moindres que les deux autres, se trouve cependant avoir coûté beaucoup plus cher de construction » mais, en contrepartie, selon Diodore, elle séduit davantage car elle « se distingue par l’art qui a présidé à sa construction et par la beauté de ses pierres ». Il y a enfin le Sphinx dont aucun visiteur à l’exception de l’œil exercé de Pline l’Ancien n’a pris la peine de noter la présence : « Le Sphinx, plus admirable peut-être [que les Pyramides] et sur lequel on a gardé le silence ».

    Un couple inséparable

     Selon la légende la mieux suivie, Artémise II aurait elle-même décidé de construire pour son époux et frère le splendide monument qui aurait consacré son amour conjugal. L’assertion de Pline que l’on trouve dans sa fameuse description du Mausolée a généralement prévalu. Cette version n’a jamais fait l’unanimité. Déjà, Vitruve avait écrit que c’est Mausole lui-même qui entreprit cette construction à sa propre gloire posthume. Ce prince suivait en cela une tradition de vanité très répandue à son époque chez les souverains. On ne compte plus, en effet, les tombeaux monumentaux érigés en Asie Mineure et notamment en Lycie. De son côté, Lucien consacre à Mausole un chapitre de son « Dialogue des morts », le peignant comme un homme orgueilleux et très fier de s’être fait construire le plus beau tombeau de la terre. André Coutin écrit : « Le tombeau triomphal qu’il avait décidé d’élever était inachevé à sa mort… », et Jean-Pierre Adam, de son côté : « On remarque que Pline, contrairement à Vitruve, fait du Mausolée une œuvre due à l’initiative d’Artémise ; ce en quoi, du reste, il se trompe… ». Chacun dans leur ouvrage respectif, accrédite donc spontanément cette seconde opinion mais sans toutefois en donner une plus longue explication.

    L’historien Sainte-Croix avait auparavant nettement tranché: « Que de temps n’a pas dû coûter la construction d’un pareil monument ? Cependant, Artémise survécut à peine deux ans à son mari. Dans un aussi court espace de temps cet édifice aurait-il été terminé comme le dit Pline ? Cela me paraît difficile à croire et je pense plutôt que cet auteur a pris pour l’année de la mort de Mausole celle où l’on commença à bâtir son tombeau. Dans cette hypothèse, Mausole lui-même aura projeté ce grand ouvrage deux ans avant de mourir ; il y aura fait travailler, et Artémise, en l’achevant, en aurait eu toute la gloire ».

    On peut, de même, penser qu’une réalisation d’un tel raffinement et d’un tel gigantisme n’ait pas pu s’improviser juste après un décès, surtout que la veuve durant les deux courtes années de son autorité dépensa du temps et de l’argent à défendre sa cité contre Rhodes et à contre-attaquer et punir les insulaires. Les artistes renommés choisis pour l'ouvrage, dispersés et venus de fort loin, ont dû être retenus longtemps à l'avance pour être réunis. Comme il est peu commun, d’autre part, qu’une épouse soit à ce point exaltée qu’elle ait songé à la manière d’enterrer son conjoint encore en vie, il est plus vraisemblable que Mausole, lui-même un grand bâtisseur, ait désiré contempler "de ses yeux" le reflet de sa puissance. Cependant, il reste possible que les époux inséparables eussent tous deux souhaité être magnifiquement réunis dans la mort. Dans l’hypogée, on retrouva un reliquaire et un sarcophage qui pouvait être celui de la reine, l'usage carien imposant alors aux hommes l’incinération. En admettant même la légende qui veut que l'achèvement de la statuaire se soit fait tardivement et au compte des artistes, on peut avancer qu’Artémise eût pu très bien en avoir été maître d’ouvrage quand son époux était très occupé, et, qu'elle le fût naturellement pendant son veuvage pour la continuation des travaux. C’est peut-être une des raisons de la persistance de ce point de vue.

    Une ville mythologique

    BABYLONE 

    Babylone, dont il ne nous reste guère que ce qu’une vague nous conserve d’un château de sable, nous a livré sans aucun doute, avec les Jardins, la Merveille la plus énigmatique. Si la tour colossale, peut-être celle dénoncée par les récits bibliques et considérée longtemps comme mythique est bien décrite sur place par Hérodote, les Jardins célébrés par plusieurs chroniqueurs, restèrent invisibles aux yeux de cet historien tandis que Ctésias au IVe siècle av. J.-C., capable de passer en revue toutes les curiosités babyloniennes, construites ou relevées un siècle et demi à peine auparavant, les ignore complètement. Leur trace n’a pas été non plus retrouvée par les archéologues qui avaient pourtant mis au jour l’enceinte et la base de cette même tour appelée « Etemenanki ». Pas davantage de jardins sur les tablettes mésopotamiennes où l’on voit des plans de la ville et de ses principaux monuments. Les compilateurs latins, Ampelius du IIe siècle qui a pourtant écrit sur Sémiramis et le rempart de Babylone, et Hygin du Ier siècle dans son « Septem opera mirabilia », ont donné le Palais de Cyrus en lieu et place des Jardins suspendus. Les seules représentations qui nous en suggèrent une idée viennent des bas-reliefs de Ninive avec des terrasses à végétation, soutenues généralement par des colonnes à chapiteau. Nous sommes donc loin des voûtes nécessaires pour supporter un étagement important. Et si aucun auteur ne paraît avoir vu ces jardins, aucun n’indique le nombre de terrasses; et tous ne sont pas d'accord sur la description de leur système hydraulique, leur emplacement, et le maître d’ouvrage.

    Le cellier voûté de la porte d’Ishtar, dégagé par l’Allemand Koldewey à la fin du XIXe siècle n’a pu, par ses trop modestes dimensions, représenter la plateforme d’un jardin royal important. Il est en tous cas difficile de concevoir que l’espace de verdure aussi réduit du « véritable » jardin (un carré de 120 m de côté), ait été l’élément qui accrochât l’œil, adossé à un rempart lui-même célébré comme une merveille, imposant et interminable, dont la longueur était, si l’on en croit les Anciens, plus d’une fois et demie le tour de la ville de Paris. Cependant, le tracé retrouvé de la dernière cité fit état, lors des récentes fouilles, d’une enceinte extérieure de 11km 300 pour une intérieure de 6 km.

    Le savoir-faire des jardiniers et des fontainiers de la Mésopotamie n’étant plus à démontrer, il fait peu de doute que les jardins-oasis ont proliféré dans cette région pendant des siècles, se sont améliorés, montrant des aspects multiples, au gré des souverains et des modes. Quoi qu’il en soit, au fil du temps, s’est probablement imprégnée dans la mémoire des voyageurs parvenus au terme d’un parcours harassant à travers une contrée désertique, la fantastique vision de chevelures de forêts et de vergers flottant au-dessus des murailles, et les imaginations auront ensuite échafaudé le mythe.

    Enfin, tous les écrits réunis à son sujet montrent une seule chose qui soit certaine : cette ville qui fascina le plus célèbre conquérant de l’Antiquité, dont on a constamment vanté avec les plus flatteurs superlatifs, les murailles, les portes d’airain, le pont sur le fleuve, la galerie sous le fleuve, les quais, les deux palais, le temple de Marduk, les statues, la ziggourat, la citerne, les jardins… fut assurément à elle seule une vraie merveille : « Elle est si magnifique que nous n’en connaissons pas une qu’on puisse lui comparer. », écrivait Hérodote (I, 178).

    Un flou artistique

    Les jardins de Babylone 

    Le principal obstacle pour figurer les Sept Merveilles est l’insuffisance des informations qui nous sont parvenues. Les Jardins suspendus de Babylone qui sont tout à la fois aisés et impossibles à reconstituer, en sont l’exemple le plus significatif. On peut, d'autre part, facilement concevoir qu’à l’époque de Pline les secrets de la construction de la Pyramide de Khéops aient été perdus après tant de siècles. Mais ce qui ne laisse pas de surprendre est que de tous les auteurs qui ont parlé des pyramides, aucun n’en a donné une hauteur approchante. Jean-Pierre Adam remarque que les Anciens sont en défaut sur toutes les mesures de points inaccessibles. Pour les pyramides, une illusion d’optique - créée probablement par la course des arêtes - fait généralement apparaître la hauteur très proche d’un des côtés de la base, lequel la représente en réalité une fois et demie. Pline qui croyait sans doute la méthode de Thalès de Milet connue depuis le VIe siècle av. J.-C. a entériné de bonne foi les dimensions qu’on lui a transmises. Si cet auteur était soucieux de donner des mesures, il doit parfois s’en passer : le tombeau de Mausole est légèrement plus court d’un côté que de l’autre et la hauteur de son dernier étage est sensiblement égale à celle de l’étage en dessous... Les imprécisions des hauteurs du Phare sont encore plus déroutantes. De simplement « haut » pour Strabon à « très élevé » chez Jules César, son premier étage, aux yeux des chroniqueurs arabes, gagne une dizaine de mètres en un siècle, de Massoudi (Xe siècle) à Ibn al-Dayg (1165) ; alors que le deuxième étage les gagne avec El-Makrisi au XVe siècle sur le même Massoudi. La hauteur totale du Phare varie en absolu entre 102 mètres (Massoudi) et 225 mètres (Ebn Joubère). Les effondrements et les réparations ou reconstructions des parties hautes à différentes périodes ont encore mieux embrouillé les dimensions originales.

    L'esprit tout scientifique de Pline ne saisit rien de ce qui intéresse l’art et on ne trouve chez lui aucune indication sur les sculptures ornementales du Mausolée d'Halicarnasse et leur implantation ; tout comme celles de l’Artémision où il avoue son désintérêt: « Les autres ornements du temple rempliraient par leurs descriptions plusieurs livres; mais ils n'ont rien de commun avec l'histoire de la nature ». Ce qui a mis et met toujours dans l’embarras tous les essais de restitution. L’attitude du Colosse de Rhodes tant de fois contemplé n’a jamais fait l'objet d'une description qui, aujourd’hui, nous aurait paru la chose la plus élémentaire. Et, ainsi, retrouve-t-on une multitude de dessins le représentant dans des positions les plus singulières dont le spectaculaire et impossible enjambement qui a eu du succès jusqu’au cinéma. Au contraire, Pausanias qui est pratiquement le seul à s’absorber dans une ekphrasis, dépeint le Zeus d’Olympie et sa décoration avec minutie, mais sans jamais donner une seule dimension : « Je sais que plusieurs auteurs ont consigné dans leurs écrits la hauteur et la largeur de la statue de Zeus Olympien, mais je me méfierais de ceux qui l'ont mesurée, car les dimensions qu'ils donnent paraissent bien au-dessous de l'idée qu'on s'en forme en voyant la statue de ses propres yeux ». Un bel exemple de manque de confiance. Si nous devons, en revanche, à la science archéologique de meilleures précisions, nous sommes bien loin de les avoir toutes.

    Le chiffre 7

    La liste des Merveilles doit probablement une part de sa célébrité à ce chiffre mystique. Cette notion qui ne s’est pas formée bien sûr avec les monuments qui nous intéressent, aurait été transmise selon Jean-Pierre Adam par le courant philosophique pythagoricien. Les séries et les nombres premiers ont toujours fait l’objet d’une attention particulière. L’École pythagoricienne qui s’adonna trop aux spéculations ésotériques fut fermement critiquée par les tenants d’Aristote qui l'avait lui-même combattue dans son ouvrage « La métaphysique », mais elle revint à la mode à l’époque de Cicéron avec l’école néo-pythagoricienne. Cependant, la superstition du chiffre magique serait plutôt venue d’Asie mineure comme semblerait le confirmer un traité ionien « De hebdomadis » qui lui est consacré. Ce qui pourrait expliquer dans la « liste des merveilles » le nombre supérieur de réalisations d’Asie mineure, donc extérieures à la Grèce proprement dite. Par la suite, le chiffre 7 eut un succès qui ne se démentit jamais dans tous les domaines et on ne compte plus les groupes de sept éléments. Même le grand Isaac Newton ne repoussait pas l’irrationnel et quand il eut découvert la décomposition de la lumière blanche trouva l’idée de faire d’une infinité de teintes un ensemble de 7 couleurs qu’on ne manque pas de trouver dans l’arc-en-ciel. 

    Jupiter Pluvius de Pratolino

     
     
    (source : wikipedia)
     
     
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