• Les lacs les plus dangereux

    Nature insolite

    Les lacs les plus dangereux de la terre

    Fabienne Lemarchand

    Les lacs Nyos et Monoun, au Cameroun, peuvent-ils ou non relâcher les quantités énormes de gaz asphyxiant dissous dans leurs eaux ?

    Deux études relancent le débat.

    Les lacs les plus dangereux

    (photo: wkipedia)

    Le 21 août 1986, le lac Nyos, au Cameroun, vomissait un nuage de gaz mortel, tuant plus de 1 700 personnes. Deux ans plus tôt, le dégazage du lac Monoun, à quelque 95 kilomètres de là, faisait 37 victimes. Ces deux lacs peuvent-ils tuer à nouveau ? La question divise les scientifiques, comme en témoignent deux études récentes.

    Les lacs camerounais se trouvent dans des cratères formés par d'anciennes explosions volcaniques. Témoin de cette activité passée, du dioxyde de carbone remonte toujours des profondeurs. Il est libéré dans l'eau où il se dissout. Plus dense, l'eau ainsi chargée de dioxyde de carbone s'accumule lentement en profondeur. La limite entre cette eau profonde et l'eau douce des couches supérieures n'évolue guère au fil du temps.

    « Mais une secousse sismique ou un éboulement peuvent rompre cet équilibre. Les eaux profondes remontent alors. La pression diminuant, des bulles de gaz se forment et propulsent l'eau vers le haut, tout comme les bulles de champagne dans une bouteille que l'on vient d'ouvrir »,

    explique Michel Halbwachs, de l'université de Savoie. L'eau chargée de gaz jaillit alors violemment, et

    le dioxyde de carbone se dissipe dans l'atmosphère. C'est ce qui s'est passé en 1984 et 1986.

    Pour limiter le risque de dégazage, Michel Halbwachs et son équipe ont conçu un dispositif permettant d'évacuer le dioxyde de carbone qui s'accumule au fond des lacs. Après amorçage par une pompe, les eaux riches en gaz s'élèvent à l'intérieur d'un long tube et jaillissent en surface.

    Ce système a déjà permis de réduire la quantité de gaz de près de 14%. Mais est-ce suffisant ?

    D'après les calculs réalisés par l'équipe de George W. Kling, de l'université du Michigan, la réponse est non. Selon eux, ces tubes vont perdre en efficacité à mesure que la pression en gaz va diminuer, après le pompage. Ils ne permettront d'éliminer que 30 % des gaz dissous dans les eaux du lac Monoun d'ici à 2015, et 25 % à Nyos. Ensuite, les eaux se rechargeront plus vite en dioxyde de carbone qu'elles ne seront dégazées, augmentant le risque d'une nouvelle éruption.

    Une conclusion à laquelle Michel Halbwachs n'adhère pas : « L'équation qu'utilise cette équipe pour décrire le mouvement des masses d'eau ne rend pas compte de la stabilité des couches dans un lac stratifié comme Nyos ou Monoun. » Pour les Américains, il faudrait multiplier les tubes d'évacuation. « Mais ce n'est pas parce que les eaux sont chargées en dioxyde de carbone qu'il y a danger. » Plus une eau est riche en dioxyde de carbone, plus elle est dense et stable. Le problème surgit lorsqu'elle devient saturée. « Pour qu'elle jaillisse en surface, il faut qu'elle franchisse une très grosse barrière énergétique. Sa pression doit en effet atteindre la pression hydrostatique pour que les bulles apparaissent », poursuit-il. Évaluer le risque d'une nouvelle éruption nécessite donc de calculer l'énergie nécessaire pour faire monter une couche d'eau jusqu'à ce niveau. Selon les calculs réalisés par

    M. Halbwachs, le dispositif actuel est suffisant. Pour lui, l'urgence

    est plutôt de remplacer les pièces métalliques des installations, qui se corrodent à grande vitesse et de s'occuper du lac Kivu, à la frontière du Rwanda et de la République démocratique du Congo, le troisième lac « tueur » du monde. (source: larecherche.fr)

       

    5 lacs avec une histoire hors du commun

    Crater Lake – Crédits photo © M.Giuli

    Crater Lake

    Situé au sud de l’Oregon, le Crater Lake est un lac remarquable à plus d’un titre. Avec ses 597 m de profondeur, c’est le lac le plus profond des Etats-Unis. Sa formation remonte à environ 7000 ans, lorsque le mont Mazama entra dans une terrible éruption et s’effondra sur lui-même, projetant des cendres à plus de 100 km de distance, et laissant place à un vaste cratère de 10 km sur 8. Les eaux de pluie remplirent l’immense dépression, donnant ainsi naissance au lac. Les indiens Klamath se transmirent pendant des millénaires une légende faisant de cet évènement le fruit de violents affrontements entre les dieux, et leurs descendants considèrent encore aujourd’hui le Crater Lake comme un lieu sacré. Si le lac est réputé pour sa grande beauté, il est tout particulièrement connu pour un de ses étranges occupants, baptisé « le vieil homme du lac » : en 1896, le géologue Joseph S. Diller fit la découverte d’un gros tronc d’arbre flottant inexplicablement à la verticale dans les eaux du Crater Lake. Mesurant environ 60 cm de large sur 9 m de long, dont une partie émergée de 1,20 m, le tronc était assez solide pour qu’un homme puisse se tenir dessus. Aujourd’hui, plus de 115 ans après, le « vieil homme du lac » est toujours là, son tronc blanchi dérivant à travers le lac, toujours parfaitement droit. Les bateaux touristiques le croisent souvent sur leur parcours, et les croyances locales lui prêtent le pouvoir de contrôler le temps qu’il fait au-dessus du site. Crater Lake est également connu pour ses deux îles : Wizard island (l’île du sorcier), un îlot volcanique de 127 hectares, et Phantom Ship Island, ainsi nommée parce que par temps brumeux, sa silhouette évoque celle d’un bateau fantôme.

    Lake Roopkund

    Cranes au bord du lac Roopkund

    Roopkund, le lac des squelettes

    En 1942, un garde forestier anglais découvrit des centaines de squelettes sur les rives du lac Roopkund, un petit lac gelé de l’Himalaya situé à plus de 5000 m d’altitude. Les autorités anglaises pensèrent d’abord qu’il s’agissait de soldats japonais morts en essayant de traverser la frontière indienne pour mener une attaque surprise, mais les ossements étaient bien trop anciens pour valider cette hypothèse. Personne ne semblait pouvoir dire qui étaient ces gens, ni encore moins ce qui les avait tué. Pendant des décennies, le mystère du lac Roopkund fascina historiens et scientifiques, qui proposaient diverses théories sur les causes de l’évènement. Certains pensaient qu’il pouvait s’agir d’un suicide collectif rituel, d’autres parlaient d’un glissement de terrain, ou encore d’une épidémie. Lorsque les premiers tests au carbone 14 furent menés dans les années 60, on estima que les victimes avaient vécu entre le 12ème et le 15ème siècle, ce qui amena l’hypothèse d’une armée antique qui aurait succombé aux conditions extrêmes de l’Himalaya. Mais ce n’est qu’en 2004, soit 62 ans après la redécouverte du site, qu’une nouvelle enquête permit de résoudre l’énigme : des chercheurs indiens et européens mirent à jour des bijoux et des armes, ainsi que des tissus organiques exceptionnellement préservés par le climat de la zone. Les restes de plus de 500 personnes furent dénombrés au final, et une nouvelle datation permit de déterminer qu’ils remontaient à l’an 850 après J-C environ. Les tests ADN montrèrent qu’il y avait deux groupes distincts parmi les corps, vraisemblablement des pèlerins aidés par des porteurs locaux. En ce qui concerne la cause de leur mort, une légende Himalayenne raconte que la Déesse Nanda Devi tua un jour des voyageurs qui avaient profané son sanctuaire montagneux en faisant s’abattre sur eux une pluie de grêle « dure comme du fer ». C’est à cette même conclusion qu’aboutirent les scientifiques après analyse des fractures observées sur les corps des victimes : piégées par la tempête, et sans abri où se réfugier, toutes furent décimés par des grêlons gros comme des « balles de cricket » (environ 8 cm de diamètre). On peut encore voir de nombreux cranes et ossements autour du lac Roopkund, bien que les visiteurs occasionnels en aient emporté une grande partie en macabre souvenir de leur expédition. Quiconque a suffisamment regardé de films d’horreur pourra toutefois se demander s’il est judicieux de piller des cadavres foudroyés par une vengeance divine…

    Lac Peigneur

    Le vortex du lac Peigneur aspirant les arbres en 1980

    Lac Peigneur

    Le 20 novembre 1980, un petit lac de Louisiane, le lac Peigneur, fut le théâtre de l’une des catastrophes industrielles les plus spectaculaires de l’histoire. A l’époque, la Diamond Crystal Salt Company exploitait une mine de sel qui se trouvait sous le lac, pendant que la compagnie pétrolière Texaco forait depuis la surface à la recherche de pétrole. Suite à une erreur de calcul, la foreuse perça le troisième niveau de la mine, créant une brèche au fond du lac. L’eau s’engouffra rapidement dans les cavités souterraines, ce qui provoqua un gigantesque tourbillon. Ce maelstrom aspira en son centre la plateforme pétrolière, ainsi que 11 barges, un remorqueur, et plus de 25 hectares de terrain environnant. Les eaux du lac furent drainées à travers la crevasse qui s’agrandissait de plus en plus, et le phénomène fut si puissant que le cours d’un canal relié au lac, le canal Delcambre, fut inversé et aspiré à son tour. Ceci eut pour effet de créer une cascade haute de 50 m à l’endroit où le canal se déversait dans le trou, la plus haute jamais vue en Louisiane. La catastrophe ne fit pas de victimes humaines, mais elle transforma un lac d’eau douce profond d’à peine 3 m en un lac salé atteignant 60 m de profondeur, ce qui affecta irréversiblement son écosystème. Texaco versa 32 millions de dollars de préjudices à la Diamond Crystal Salt Company, et la mine de sel fut finalement fermée en 1986.

    Lac Nyos

    Nyos, le « lac tueur »

    Lac Nyos

    Situé au nord-ouest du Cameroun, le Lac Nyos fut à l’origine de l’un des désastres naturels les plus étranges du 20ème siècle. Ce lac volcanique est l’un des 3 seuls au monde susceptibles de produire une éruption limnique, un phénomène rarissime au cours duquel le gaz accumulé pendant des années dans les profondeurs d’un lac est relâché dans l’atmosphère. Cette particularité vaut à ces lacs d’être répertoriés sous le nom de « lacs tueurs ». Dans le cas du lac Nyos, le phénomène se produisit le 21 aout 1986, lorsqu’un glissement de terrain, suppose-t-on, brassa les eaux du lac. Cet évènement libéra les centaines de milliers de tonnes de gaz carbonique qui s’étaient accumulées dans les couches profondes, et qui émanaient du cratère volcanique où se trouve le lac. Une gigantesque explosion s’ensuivit, générant une colonne d’eau de plus de 80 m, et libérant environ 1,6 millions de tonnes de CO2. Un nuage mortel se répandit à toute vitesse dans la vallée, éliminant tout ce qui respirait jusqu’à une distance de 25 km. On retrouva 1746 personnes tuées dans les villages alentour, ainsi que plusieurs milliers d’animaux, le tout dans un paysage presque intact. Les chercheurs ne comprirent pas tout de suite ce qui s’était passé, les victimes ne présentant aucune trace de blessure, ni d’agonie apparente, mais c’est le lac lui-même qui leur donna le principal indice : les eaux habituellement bleues de celui-ci étaient devenues d’un rouge profond, cruellement approprié, dû aux eaux riches en fer du fond qui étaient remontées à la surface. Depuis 2001, une opération de dégazage nommée les « Orgues de Nyos » est menée par une équipe française, pour empêcher que la catastrophe ne se reproduise. Elle consiste à pomper le CO2 du fond vers la surface par le biais d’un tuyau vertical qui projette de l’eau à 50m au-dessus du lac. Le lac Monoun, dont l’éruption tua 37 personnes en 1984, est également en cours de dégazage depuis 2003. Quant au troisième lac « tueur » recensé, le lac Kivu du Congo, il n’est encore jamais entré en éruption, mais il est étroitement surveillé : plusieurs millions de personnes vivent sur ses rives, et il contient 300 fois plus de gaz que le lac Nyos.

    Lac Vostok

    Image RADARSAT du lac Vostok – Crédits photo NASA

    Lac Vostok

    Avec ses 16000 km² de superficie et ses 1000m de profondeur, le lac Vostok est de loin le plus imposant des lacs mentionnés dans cet article, mais c’est aussi le plus mystérieux : en effet, personne ne l’a jamais vu. Car le lac Vostok ne se trouve pas à la surface de la terre, mais très, très en dessous, à 4 km sous les glaces de l’antarctique. Et depuis sa découverte dans les années 70 grâce à des radars, ce lac subglaciaire n’en finit pas d’exciter la curiosité des scientifiques, qui espèrent y trouver des formes de vie totalement nouvelles. Pendant 14 millions d’années, l’écosystème du lac s’est effectivement développé indépendamment du reste de la planète, protégé de toute vie par 4 km de glace. C’est pourquoi ses occupants devraient être très différents de ce que nous connaissons déjà, même si, selon les chercheurs, il y a peu de chances pour qu’ils soient plus complexes que des micro-organismes. En 1998, une opération de forage fut menée par une équipe russe, mais elle s’arrêta à 200 m de l’eau. Le kérosène utilisé risquait en effet de contaminer le lac, resté parfaitement pur depuis quasiment la disparition des dinosaures. Le forage a repris le 4 janvier 2011 avec une nouvelle technique à base de silicone, et il devrait se terminer à la fin de cette même année, permettant d’extraire une carotte de glace qui devrait révéler les mystères du lac. De par ses conditions très particulières, le lac Vostok est également devenu un modèle pour la future exploration d’Europe, un satellite de Jupiter dont les eaux subglaciaires pourraient contenir des formes de vie extraterrestres.

    (source : axolot)

     

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