• Des aveugles qui voient

    Conscience de l'homme

    LES AVEUGLES QUI VOIENT 

    Un aveugle parvient à voir... avec sa langue

    Des aveugles qui voient

    Par Sylvain Malcorps, 

    Craig Lundberg a perdu la vue. Mais grâce à une sucette en plastique posée sur sa langue, il l'a aujourd'hui presque retrouvée...

    Voir le monde grâce à sa langue. Loin d'être le titre d'un nouvel ouvrage culinaire sur les saveurs du monde, cette phrase illustre l'expérience qu'est en train de vivre le caporal anglais Craig Lundberg. Ce jeune militaire de 24 ans teste un appareil lui permettant de (re)distinguer l'espace et les choses grâce à sa langue : le BrainPort.

    En 2007, le caporal Craig Lundberg est blessé sur le terrain, après l'explosion d'une grenade à Bassorah. Son visage est touché. Son œil gauche doit être enlevé et son œil droit est gravement atteint. Le militaire britannique est désormais aveugle. Loin de se laisser abattre, à son retour en Angleterre, il fait preuve d'une grande motivation pour diverses initiatives. « C'est ce qui nous a mené à penser que le caporal était la bonne personne pour tester ce prototype du BrainPort », admet-on au ministère de la Défense britannique.

    Langue électrique

    Alors, c'est quoi le BrainPort ? Grosso modo, il s'agit d'une paire de lunettes de soleil à laquelle est intégrée une caméra. Ces lunettes sont reliées à un câble se terminant par une sucette en plastique plate, à placer sur sa langue. Tout ce dispositif pourrait bien faciliter et augmenter l'indépendance des personnes malvoyantes. Les images captées par la caméra sont transformées en impulsions électriques, tout comme l'aurait fait la rétine d'un œil en état de fonctionnement. Les anglophones peuvent suivre les explications d'un reportage sur le BrainPort.

    Ces impulsions passent par le câble et sont envoyées directement sur la langue : les nerfs de la langue sont alors excités et transmettent l'information au cerveau. C'est l'intensité de ces impulsions qui permettent à Craig Lundberg de « voir » le monde. Comme il l'explique dans le TimesOnLine, même si ce procédé n'est pas la solution finale à son handicap, son potentiel est très grand. « C'est comme lécher une pile de neuf volts ou manger des bonbons qui pétillent. Et grâce au BrainPort, je perçois désormais des lignes, des formes. J'ai pu marcher dans un corridor, passer des portes, croiser des gens qui venaient vers moi. C'était la première fois depuis l'Irak que j'ai pu faire de telles choses. L'équipement demande de la pratique mais a un grand potentiel. Une des choses les plus marquantes, c'est que ça m'a permis de pouvoir directement prendre des objets et non plus tâtonner avant de les attraper. »

     Une vidéo impressionnante et émouvante, même si on ne comprend pas le commentaire anglais... Craig Lundberg est chez lui, en famille. Il explique que « c'est votre cerveau qui voit, plutôt que vos yeux » et le démontre ensuite. On le voit jouer avec sa fille, caresser son chien, se saisir d'une tasse, lire des lettres et des chiffres puis jouer au morpion. Pour ceux qui douteraient encore, le film se termine sur un mur d'escalade...

    Un procédé connu depuis les années soixante

    Le concept scientifique derrière le BrainPort, on le doit au docteur Paul Bach-y-Rita. Dans les années 1960, cet ingénieur-physicien amène l'idée de substitution sensorielle. Il s'agit de stimuler un sens (comme le toucher) pour en remplacer un autre (la vue). Il avait ce principe fondamental : « On ne voit pas avec nos yeux, on voit avec notre esprit. »

    Sur la base de ce concept de substitution, Paul Bach-y-Rita veut utiliser les nerfs de la langue pour transmettre ces impulsions électriques en lieu et place de la rétine. La caméra joue le rôle de l'œil et capte des pixels blancs, gris et noirs. Un petit ordinateur se charge de la conversion de ces pixels en courant électrique. Une forte impulsion représente des pixels blanc, une impulsion moyenne, des pixels gris et l'absence d'impulsion représente des pixels noirs.

    Pour la docteure Aimee Arnoldussen, neuro-scientifique reprenant le flambeau du Dr Paul Bach-y-Rita, utiliser le BrainPort, c'est comme apprendre un nouveau langage : « La personne doit apprendre à traduire les impulsions électriques en une idée d'objet et de forme. C'est une étape cruciale de l'apprentissage. Mais quand le procédé est acquis, cette translation devient automatique ». Au ministère de la Défense britannique, qui utilise cette technologie américaine, on suit avec attention les résultats du caporal Lundberg. Si c'est un succès, on pourrait étendre le procédé à des personnes aveugles venant d'autres départements militaires, et pourquoi pas vers la population civile. (source : futura-sciences)

     

    A QUOI RÊVENT LES AVEUGLES?

    "...Bonjour, je suis aveugle de naissance; je vais essayer de vous expliquer comment je rêve. Effectivement, il y a des voix, du toucher, des odeurs et des sensations. Mais il y a aussi des images, et un tas d'images : pas celles que vous voyez par vos yeux, plutôt celles auxquelles on est habitués tous les jours, c'est à dire en trois D, par les volumes, les textures, ambiances, etc. On rêve un peu comme vous je crois, à part que nos façons de percevoir les images ne snt pas les mêmes. On rêve avec nos représentations des choses, qui a mon avis, sont de toutes façons bien différentes d'un individu à un autre. Pour comprendre nos images, il faut s'imaginer que tout est en modèle réduit, et pas seulement en volume: comme je l'ai mentionné plus haut, avec des sons, odeurs, textures, mouvements..." (source : forum.doctissimo)

    Les rêves avec un contenu visuel sont l'expression d'une imagerie visuelle. Si l'on imagine qu'un aveugle de naissance peut faire des rêves avec un contenu visuel, cela veut dire que l'imagerie visuelle est possible chez quelqu'un qui n'a jamais eu d'expérience visuelle auparavant. Autrement dit cela sous entend que l'imagerie visuelle ne dépend pas d'une perception visuelle spécifique mais peut se créer à partir d'une activation du cortex visuel. Vous me suivez ? Dans une étude de Helder Bertolo et de ses collaborateurs comparant 10 « non voyants » de naissance à 9 « voyants » il a été montré que les aveugles voyaient au cours de leurs rêves et qu'ils pouvaient en donner une représentation visuelle. Les non-voyants de naissance ne sont pas capables de décrire verbalement ce qu'on peut appeler le contenu visuel de leurs rêves mais ils peuvent en fournir une représentation  via une production graphique avec des différences minimes entre voyants et non voyants. Ci dessous un exemple de dessins recueillis au cours de l'expérience, les "voyants" ont dessiné leur souvenir de rêves les yeux fermés pour être dans les conditions les plus proches de celles des non-voyants.  Voyant, les yeux fermés Non-voyant Néanmoins cette capacité n'est pas à la portée de tous les non-voyants. Deux d'entre eux ont été incapables de rapporter des rêves tout au long de l'expérience.

    Le fait de créer des images sans expériences visuelles antérieures laisse penser que les non-voyants sont capables d'utiliser des influx auditifs, tactiles ou sensitifs pour les intégrer via le système visuel et produire ainsi une représentation visuelle.

    (source : morphee