• Les lavandières de la nuit

    Surnaturel et fantastique

    Les lavandières de la nuit

    LES LAVANDIERES DE LA NUIT

    Une lavandière de nuit ou lavandière de la mort est un personnage de légende, une créature féminine ou une revenante, rencontrée de nuit, nettoyant un linge dans un cours d'eau ou un lavoir. La lavandière est toujours liée au domaine de la mort : selon les traditions, elle est annonciatrice d'un décès, ou bien, elle, condamnée dans la mort à expier ses anciens péchés.

    La lavandière de nuit apparait sous d'autres noms dans différents pays d'Europe et les croyances perdurent jusqu'au début du xxe siècle. Les premières mentions datent du VIIIe siècle, dans des textes gaéliques où la rencontre d'un être féminin qui lave un linge ensanglanté fait référence au mythe celtique irlandais des déesses guerrières. Très présentes dans le folklore irlandais et écossais, ces lavandières de nuit se retrouvent dans d'autres régions d'Europe. Selon les époques et traditions, ces légendes sont parfois influencées ou confondues avec les légendes de la banshee, la dame blanche, la fileuse de nuit, les fées ou les fantômes. 

    Les lavandières de la nuit

    (image : mafeuilledechou)

     
    Avant le xixe siècle, les lavoirsde campagne étaient des points d'eau aménagés simplement, parfois éloignés des habitations.
    Le folklore de la lavandière de nuit est présent dans de nombreuses régions d'Europe.

    En gaélique écossais elle est appelée bean nighe, c'est-à-dire « femme laveuse », parfois sous le diminutif ban nigheachain « petite laveuse » ou bien nigheag na h-àth« laveuse du gué ». En irlandais bean niochain et sur l'Île de Man ben niaghyn. Moins fréquente dans le reste des îles Britanniques, elle est nommée en anglais night washerwoman (« laveuse de nuit ») ou midnight washerwomen (« laveuse de minuit »).

    En breton, elle est nommée kannerez noz. En français, lavandière de nuit ou lavandière de la nuit ; l'ancien terme lavandière (dérivant du verbe laver) désignait une « femme qui lave le linge par profession », synonyme de blanchisseuse ou laveuse. En portugais, le personnage de légende est la lavandeira da noite. En Suisse romande, gollière a noz.

    Mythologie celtique des Gaëls

    Article connexe : Mythologie celtique irlandaise
    Dans la littérature irlandaise médiévale, des scènes décrivent des créatures féminines lavant des linges ensanglantés ou des linceuls, en signe d'annonce des morts prochaines durant les batailles à venir. En raison du mélange de concepts païens et chrétiens dans ces textes, l'interprétation en est difficile. Mais pour de nombreux spécialistes, ces scènes au bord de l'eau sont une référence à l'Autre monde celtique et aux anciennes déesses guerrières.

    Dans La Civilisation celtique, Françoise Le Roux et Christian-Joseph Guyonvarc'h font ainsi le rapprochement entre la lavandière de la nuit et le mythe de la déesse celte Morrigan, qui annonce la mort du héros Cúchulainn en lavant ses vêtements ensanglantés dans une rivière.
     

    Les lavandières de la nuit

    La messagère de mort

    Le personnage de la lavandière de nuit (bean nighe) semble présente dans le folklore médiéval et ancien des régions de langue gaéliques (Écosse, Irlande), comme annonciatrice des morts prochaines. Dans le folklore plus moderne de ces régions, les légendes de lavandières semblent moins fréquentes et le rôle de messagère de la mort est généralement endossé par « la crieuse », connue aujourd'hui comme banshee, qui annonçait les morts en hurlant des mélopées funèbres.

    L'expiatrice de péchés

    Les légendes de lavandière du folklore moderne comportent de nombreuses considérations morales inspirées par la religion chrétienne : rappel d'interdits religieux, expiation des péchés par une âme sans repos, lavandière assimilée à une créature du diable...

    Pour Giraudon, la fonction de ces légendes était de renforcer certains interdits sociaux ou religieux : principalement celui de punir les femmes qui continuaient de laver le linge après le coucher du soleil, alors que la nuit était traditionnellement consacrée au repos et le jour au travail. Le risque de rencontrer la lavandière de nuit serait aussi une incitation pour les villageois à ne pas sortir la nuit et rester dans leur maison ; un principe qui était recommandé par l'Église et parfois renforcé en Bretagne au xixe siècle par les cloches du soir qui sonnaient une sorte de couvre-feu.
     
        

    Les mères infanticides

    Selon George Sand, les lavandières de nuit sont des mères qui sont maudites pour avoir tué leurs enfants :

    « Les véritables lavandières sont les âmes des mères infanticides. Elles battent et tordent incessamment quelque objet qui ressemble à du linge mouillé, mais qui, vu de près, n’est qu’un cadavre d’enfant. Chacune a le sien ou les siens, si elle a été plusieurs fois criminelle. Il faut se garder de les observer ou de les déranger ; car, eussiez-vous six pieds de haut et des muscles en proportion, elles vous saisiraient, vous battraient dans l’eau et vous tordraient ni plus ni moins qu’une paire de bas. »

    Comme l'écrit Maurice Sand :

    « À la pleine lune, on voit, dans le chemin de la Font-de-Fonts (« Fontaine des Fontaines ») d’étranges laveuses ; ce sont les spectres des mauvaises mères qui ont été condamnées à laver, jusqu’au jugement dernier, les langes et les cadavres de leurs victimes. »

    Les lavandières malhonnêtes

    Selon une autre tradition, il s'agit de lavandières qui étaient chargées de laver le linge des pauvres. Par cupidité, elles remplaçaient le savon par des cailloux avec lesquels elles frottaient le linge. Non seulement celui-ci ne pouvait redevenir vraiment propre, mais il était terriblement abîmé par ce traitement. Pour les punir de ce forfait, elles ont été condamnées à laver éternellement des linges qui restent sales.

    Les travailleuses du dimanche

    Il s'agirait de lavandières qui auraient transgressé la règle religieuse du repos dominical en lavant du linge le dimanche ; de ce fait, elles seraient condamnées à travailler pour l'éternité (on retrouve des éléments proches dans les légendes de naroues, naroves ou naroua de certaines vallées savoyardes). Selon les régions, cette interdiction portait également sur le samedi après-midi. Dans beaucoup d'endroits, l'interdiction portait sur le vendredi saint voire toute la semaine sainte. L'interdiction de laver le linge pouvait même s'étendre à tous les vendredis de l'année, comme attesté en Bretagne vers 1628.

    France

    Au xixe siècle, la croyance pour les lavandières de nuit était très présente en Bretagne et Normandie7, mais elle est aussi attestée dans de nombreuses autres régions de France : le Berry, les Pyrénées, les Alpes, l'Alsace, le Morvan, la Creuse, la Bourgogne, l'Ariège.

    Bretagne 

    L'écrivain breton Jacques Cambry (1749-1807)
    En Bretagne, les légendes de lavandière de nuit sont attestées par Jacques Cambry dès le xviiie siècle :

    « Les laveuses ar cannerez nos, (les chanteuses des nuits) qui vous invitent à tordre leurs linges, qui vous cassent le bras si vous les aidez de mauvaise grace, qui vous noyent si vous les refusez, qui vous portent à la charité ; etc. etc. »

    . De nombreux récits ont été collectés durant les xixe et xxe siècles, elles sont nommées en breton ar c’hannerezed-noz, ar c’houerezed-Noz ou ar vaouez o welc’hin. Les récits tardifs qui nous sont parvenus ne permettent pas d'affirmer que ces lavandières ont la même origine que les bean nighe du folklore irlandais et écossais.

    Selon les légendes bretonnes, les lavandières sont des revenantes dont le nom est connu de tous (parfois habillées de blanc, des dames blanches) ou bien ce sont des êtres surnaturels anonymes qui apparaissent sous une forme humaine. Les lavandières portent souvent le costume traditionnel de la région. Elles sont généralement solitaires, avec un visage effrayant et généralement douées d'une grande force ou agilité. Selon les légendes, elles restent silencieuses ou bien s'adressent au passant, lui demandant parfois de l'aide pour essorer son linge. Elle est rencontrée durant l'année le soir ou en pleine nuit dans des lieux connus (lavoir, bord d'un ruisseau), parfois durant les nuits de pleine lune, parfois seulement la veille de la fête des morts (Toussaint).

    Dans de rares légendes, la lavandière annonce la mort par sa rencontre (mauvais présage) ou bien par des paroles. Mais dans la plupart récits collectés aux xixe et xxe siècles, les légendes de lavandière s'inscrivent dans une signification avant toute morale, fortement teintée par les préceptes chrétiens : la lavandière est ainsi décrite comme une revenante qui fait pénitence pour sa mauvaise conduite passée (péchés), condamnée à la rude tâche du nettoyage en frottant pendant des heures un linge.

    Les motifs d'expiation des péchés sont variés : veuve qui a enseveli son mari dans un linceul sale, morte qui a été ensevelie dans un linceul sale, mère infanticide, enfants morts avant le baptême, femme qui lavait le linge le dimanche, lavandière malveillante ou de mauvaise réputation...

    Selon une tradition bretonne, il s'agit de défuntes qui ont été ensevelies dans un linceul sale: 
    BretonFrançais

    Quen na zui kristen salver
    Rede goëlc'hi hou licer
    Didan an earc'h ag an aër.

    Jusqu'à ce que vienne un chrétien sauveur
    Il nous faut blanchir notre linceul
    Sous la neige et le vent.

    Collin de Plancy décrit les croyances bretonnes avant 1863 :

    « En Bretagne, des femmes blanches, qu'on appelle lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de lune, dans les fontaines écartées ; elles réclament l'aide des passants pour tordre leur linge et cassent les bras à qui les aide de mauvaise grâce. »

    Languedoc

    Selon les légendes des Corbières occidentales en Languedoc, les fées lavandières peuplent les grottes et les endroits ténébreux, sortent la nuit et vont laver leur linge avec des battoirs d'or dans le Lauquet(rivière affluent de l'Aude) ou les ruisseaux voisins. Elles sont terrifiantes d'aspect et peuvent avoir deux têtes. On les trouve largement représentées dans toutes les Corbières occidentales et le Limouxin (Rennes-les-Bains, Sougraigne, Fourtou, Laroque-de-Fa, Ginoles, Couiza, Limoux, Brugairolles, Malviès, etc.).

    Centre

    George Sand évoque la légende des lavandières ou laveuses de nuit dans plusieurs de ses livres, comme le roman Jeanne en 1844 et, plus tard, en 1858, les Légendes rustiques où elle leur consacre un chapitre. Elle convient volontiers que ces légendes sont des superstitions causées par des phénomènes naturels incompris, mais reste sensible à leur intérêt culturel :

    « Nous avons entendu souvent le battoir des laveuses de nuit résonner dans le silence autour des mares désertes. C’est à s’y tromper. C’est une espèce de grenouille qui produit ce bruit formidable. Mais c’est bien triste d’avoir fait cette puérile découverte et de ne plus pouvoir espérer l’apparition des terribles sorcières, tordant leurs haillons immondes, dans la brume des nuits de novembre, à la pâle clarté d’un croissant blafard reflété par les eaux. » (source : wikipedia

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