• Les Madones de couleur noire

    Artistes émanants

    Les Madones de couleur noire

    Des visiteurs à la peau noire ?

    LES VIERGES NOIRES 

    (Madone de Beaulieu - Les émanants)

    Ces statues sont chargées d’un symbolisme bien éloigné de celui de la mère du Christ. Leur sens dépasse la symbolique chrétienne.
    Mais, de quel passé lointain, nous arrivent-elles ?

    Pourquoi avoir choisi le « noir » ? Représentent-elles un hommage à des visiteurs à la « peau noire « ?
    Quel message nous apportent-elles ? Et comment sont-elles arrivées jusqu’en Europe et par qui ?

    Une Vierge peu conforme au dogme chrétien

    En général les Vierges noires portent un enfant, souvent sur le genou gauche. Elles sont l’objet de pèlerinages et on leur accorde un grand pouvoir de guérison et de fertilité.
    La plupart de ces vierges ont causé beaucoup de souci à l’Eglise catholique. Dès qu’elle le peut, l’Eglise les escamote sans trop choquer les populations locales.

    Depuis le XIXe siècle, beaucoup de ces Vierges noires ont été remplacées par des représentations plus conformes au modèle marial.
    Souvent, elles ont tout simplement été repeintes en blanc.

    LES VIERGES NOIRES

    (La Madone de Beaulieu - Les émanants)

    Ces Madones ont parfois un air oriental et un peu byzantin. Elles sont auréolées de nombreuses légendes.
    La Vierge noire de Tindari aurait été retrouvée dans un coffret mystérieux échoué sur la plage. Celle de Loreto se serait brutalement matérialisée en mai 1291 dans une construction.

    La Vierge, surtout quand elle était noire, a tenu une place considérable dans la spiritualité chrétienne du Moyen Âge. Elle deviendra la protectrice des Chevaliers du Temple, et plus tard, celle de l’ordre des chevaliers Teutoniques.
    Elle figurait sur les bannières des hommes de guerre, qui organisaient des tournois en son honneur.

    Les grandes cathédrales gothiques étaient les temples de cette nouvelle déesse. Entre 1170 et 1270, pas moins de 80 cathédrales dédiées à Notre-Dame et 500 églises seront édifiées à sa gloire.
    La plus grande partie de ces monuments seront bâtis sur des sites déjà consacrés par la présence d’une statue de Madone, le plus souvent noire et généralement préchrétienne.

    Vierge noire de la cathédrale de Tarragone     LES VIERGES NOIRES

    Vierge noire de la cathédrale de Tarragone, en Espagne. Elle a été copiée sur celle de Montserrat. © dinosoria.com

    LES VIERGES NOIRES

    (photo : azurever

    A Rome, on refusait alors la distinction entre les Vierges « noires » et les Vierges « blanches ».
    La couleur noire était expliquée rationnellement : par la fumée des cierges, par l’âge et l’oxydation ou par la noirceur des pêchés des fidèles !

    En réalité, on omettait de préciser que ces statues avaient intentionnellement été taillées dans des matières noires et que cette couleur avait été délibérément choisie.

    Faites le plus souvent de pierre ou d’ébène, ces Vierges sont toujours somptueusement parées. Curieusement, elles portent presque toujours une couronne. Elles sont associées à des cultes de la Lune ou des étoiles. Il s’agit donc d’une pratique qui nous ramène à l’ère préchrétienne. Ces rites perpétuent des cultes païens en l’honneur de divinités féminines.

    Les Vierges noires dans le monde

    Jusqu’au XVIIIe siècle, les pèlerins qui se rendaient à Chartres observaient un rite mystérieux qui n’avait rien de chrétien.
    Après avoir prié dans l’abbaye et entendu la messe, ils descendaient, par un passage situé au nord de l’église, dans une crypte souterraine.
    Là, ils adoraient en silence une statue d’ébène, Notre-Dame-de-Sous-Terre. Celle-ci était une femme assise qui tenait un enfant dans ses bras.
    La tête de la statue était couronnée et, à ses pieds, on pouvait lire l’inscription latine : Virgini pariturae (La Vierge devant enfanter). 

    LES VIERGES NOIRES

    La "Vierge au pilier" de la cathédrale de Chartres. © dinosoria.com

    Détruite sous la Révolution, cette statue de la Vierge noire sera refaite au XIXe siècle et, depuis, elle est vénérée sous le nom de « Vierge au pilier ».
    On sait également que, depuis toujours, une Vierge a été vénérée sur le site de Chartres et que le fameux puit a probablement été creusé par les anciens Celtes, ou bien par ceux qui les ont précédés.

    A Montserrat, en Espagne, on adore une statue semblable à celle de Chartres.

    A Crotone, en Italie, sur le promontoire qui surmonte le golfe de Tarente, il existait autrefois un temple dédié à Hera Lacinia, la déesse romaine de la Lune et la protectrice des femmes. L’église de Crotone comme la cathédrale de Chartres ou celle de Montserrat abritent encore une statue de « femme noire ».

    Les Templiers 

    Les Templiers ont joué un rôle décisif dans la construction des cathédrales au XIIIe siècle

    Ces trois Vierges noires sont loin d’être les seules à être vénérées en Europe. On estime leur nombre à une quarantaine sur notre seul continent.
    Les sites les plus importants sont Einsiedeln en Suisse, Rocamadour, Dijon, le Puy et Avioth en France, Orval au Luxembourg, Loreto, Venise ou Rome en Italie.

    Des Vierges non chrétiennes

    Il faut se rendre à l’évidence que ces Vierges noires nous mettent en présence de cultes qui dépassent les dogmes chrétiens sur la virginité de la « Mère de Dieu ».

    Presque tous les aspects de ce culte laissent transpirer un paganisme originel, resté incroyablement vivace après des siècles de christianisation et de chasse aux superstitions.

    La plupart de ces Vierges noires sont liées à des rites de fertilité, de fécondité et de sexualité. Ce ne sont pas là les attributs ordinaires de la Vierge chrétienne.

    LES VIERGES NOIRES

    (photo : uneparisiennealucern - La Vierge noire d'Einsiedein, en Suisse)

    Vierge noire de Montserrat

    (Vierge noire de Montserrat, en Catalogne . By Greg Gladman

    LES VIERGES NOIRES 

    Vierge noire de Rocamadour. 

    Les Vierges noires sont des effigies féminines qui appartiennent à l’iconographie du Moyen Âge européen. Elles figurent généralement la Vierge Marie, mais certaines d'entre elles représentent également Sara la noire ou sainte Anne. Elles tirent leur nom de leur couleur sombre, souvent limitée au visage et aux mains. La plupart d'entre elles sont des sculptures produites entre le xie et le xve siècle, mais parfois aussi des icônes de style byzantin des xiiie et xive siècles. On trouve parmi elles de nombreuses Vierges à l’enfant. La majorité des 450 à 500 recensées se rencontre dans le bassin méditerranéen occidental, domaine de l'art roman, avec une concentration importante dans le sud de la France où on en compte 180. La Vierge noire de Częstochowa (Pologne) est, par sa localisation, un exemple atypique. Bien que des musées en conservent, la plupart des Vierges noires sont placées dans des églises et certaines suscitent des pèlerinages importants.

    Les Vierges noires romanes ont inspiré de nombreuses imitations ultérieures. À côté des Vierges, il existe en France une autre sainte noire, sainte Sarah, patronne des gitans, Roms, chez qui elle est connue comme Sara e Kali (Sarah la noire). Sa statue se trouve dans la crypte de l'église des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône). On trouve bien sûr des Vierges noires dans les régions du monde où vivent des populations à peau sombre, bien que leur couleur ait alors une signification clairement différente de celle des Vierges européennes. 

     
    Vierge noire de Częstochowa (voïvodie de Silésie) dans le monastère de Jasna Gora, xve siècle 

    Selon l’Église catholique, il n’existe aucun fondement théologique à la couleur de ces Vierges. On a voulu l'expliquer après coup par un passage du Cantique des cantiques (1 :5) : « Nigra sum, sed formosa » : « Je suis noire mais belle. »

    Une des suppositions avancée jusqu’au milieu du xxe siècle était, pour les statues, le choix du matériau (ébène, acajou), mais les sculpteurs du Moyen Âge n'utilisaient que du bois local (noyer, chêne, tilleul, fruitiers…) facile à obtenir et plus facile à travailler. D'autres évoquaient la possibilité de dépôts de suie provenant des bougies votives, mais alors le noir ne se serait pas uniquement concentré sur les visages et les mains. Dans le cas des icônes, le noircissement serait dû à une altération des pigments, hypothèse qui ne fait pas l’unanimité. L'explication pour les vierges romanes tient au fait que les pigments à base de plomb utilisés pour les carnations se sont oxydés avec le temps et ont noirci (le « blanc de plomb » se transforme en plattnérite noire), d'ailleurs on retrouve systématiquement la polychromie claire d'origine sous la couche noire. L'enfant Jésus est lui aussi noir car les pigments utilisés pour les carnations sont les mêmes. On retrouve d'autres statues de la même époque et qui ne représentent pas la vierge Marie dont les carnations sont noires. Toutefois, même si leur couleur ne provient pas à l’origine d’un choix délibéré, elle est devenue un élément important de leur identité, comme en témoignent les allusions au Cantique des cantiques mentionnées plus haut, et le fait que certaines aient été délibérément repeintes en noir sur leur totalité (comme la vierge Notre Dame de Moulins) lors de tentatives de restauration ou aient inspiré d'autres œuvres qui en ont repris la couleur. C'est à partir du xviie siècle que certains sculpteurs produisent des vierges d'emblée noires.

    Les Vierges noires ont été assimilées aux déesses mères ou à Isis entre autres, divinités parfois représentées comme noires, par des historiens et archéologues comme Ashraf Sadek par exemple,professeur d'égyptologie à l'Université de Limoges, lui-même de confession orthodoxe copte et écrivant pour la revue Le Monde Copte, s'appuyant non seulement sur la religion comparée mais aussi sur une étude iconographique poussée ,établissant une filiation entre le christianisme et les religions antiques pratiquées par exemple en Egypte avec les premiers coptes recyclant les poncifs artistiques pharaoniques. D'autres chercheurs comme Sophie Cassagnes-Brouquet adoptent un point de vue allant dans le sens de certains apologistes chrétiens niant toute filiation aux religions du passé et ne voient qu'une origine strictement paléochrétienne dans l'ensemble du culte et de l'iconographie associés aux vierges noires , se référant également aux coptes et aux chrétiens éthiopiens, mais comme source originale.

       LES VIERGES NOIRES   

    Quelques Vierges noires romanes célèbres  

    Vierge noire de la cathédrale de Chartres

    La vierge noire est la Vierge-de-sous-Terre, dans la crypte, détruite en 1793. La piété attribue alors à une autre Vierge, du XVIe siècle, appelée Notre-Dame-du-Pilier, ses caractéristiques, et en particulier la couleur noire des carnations, qui lui est attribuée lors d'une restauration au XIXe siècle. Une nouvelle restauration au début du XXIe siècle rend à Notre-Dame-du-Pilier sa polychromie originelle.

    Vierge noire de Notre-Dame du Puy-en-Velay

    Elle mesurait environ 72 cm, taillée probablement dans du cèdre et recouverte d’une toile marouflée.

    Les Madones de couleur noire

    Brûlée à la Révolution le 8 juin 1794, ses membres ne sont pas apparents et elle affecte la figure d’un triangle, par sa robe qui la ceint au col et s’évase sans un pli jusqu’au pied. L’étoffe en est décorée de ceps de vigne et d’épis de blé, allégoriques du pain et du vin eucharistiques, et laisse passer, au niveau de l’ombilic, la tête de l’Enfant, aussi somptueusement couronnée que celle de sa mère.

    La statue actuelle est une copie exposée sur le Maître-Autel dans la cathédrale romane du Puy-en-Velay. Elle est portée en procession le 15 août, Fête de l'Assomption qui, chaque année, rassemble des milliers de personnes.

    Vierge noire de Rocamadour

    But d’un pèlerinage fameux, déjà fréquenté l’an 1166, la Vierge noire de Rocamadour est une madone miraculeuse dont la tradition fait remonter l’origine au juif Zachée, chef des publicains de Jéricho, et qui domine l’autel de la chapelle de la Vierge construite en 1479.

    C’est une statuette de bois, noircie par le temps, enveloppée dans une robe de lamelles d’argent qui en consolide les débris vermoulus. D'après Fulcanelli, « la célébrité de Rocamadour remonte au légendaire ermite, saint Amateur ou Amadour, lequel sculpta en bois une statuette de la Vierge à laquelle de nombreux miracles furent attribués. On raconte qu’Amateur était le pseudonyme du publicain Zachée, converti par Jésus-Christ ; venu en Gaule, il aurait propagé le culte de la Vierge. Celui-ci est fort ancien à Rocamadour ; cependant, la grande vogue du pèlerinage ne date que du xiie siècle. »

    Cette vierge noire est réputée pour avoir une intercession efficace, et dans le livre d'or de la chapelle, on peut lire des témoignages d'intercession (ou pris comme tels) comme par exemple « Sainte Vierge, je suis venu vous prier trois fois pour avoir un enfant. Je viens d'accoucher de triplés. Merci ».

    Notre-Dame de Vassivière à Besse-et-Saint-Anastaise

    Les Madones de couleur noire

    Située dans le Puy-de-Dôme, cette statue est portée en procession le 2 juillet jusqu'au sanctuaire de Vassivière, un édifice du XVIe siècle situé à 7 kilomètres du village. Elle y passe l'été et redescend le premier dimanche de septembre qui suit la Saint Mathieu ce retour s'appelle La dévalade 

    Vierge noire à Paris

    Camille Flammarion parle d’une statue analogue qu’il vit dans les caves de l’Observatoire, le 24 septembre 1871, deux siècles après la première observation thermométrique qui y fut faite en 1671.

    Les Madones de couleur noire

    « Le colossal édifice de Louis XIV, écrit-il, qui élève la balustrade de sa terrasse à vingt-huit mètres au-dessus du sol, descend au-dessous en des fondations qui ont la même profondeur : vingt-huit mètres. A l’angle de l’une des galeries souterraines, on remarque une statuette de la Vierge, placée là cette même année 1671, et que des vers gravés à ses pieds invoquent sous le nom de Nostre-Dame de dessous terre. »

    Cette Vierge parisienne peu connue, paraît être une réplique de celle de Chartres, la benoiste Dame souterraine. Plus tard, Eugène Canseliet confirmera cette observation. En 1705, l’urbaniste français De Lamare dressa le plan de la ville de Paris et y mentionna des temples d’Isis en lieu et place de l’abbaye de Saint-Germain-des-Près et de la Cathédrale de Notre-Dame. Ce fait fut encore confirmé par le père Jean du Breul qui dans son ouvrageThéâtres des antiquités de Paris publié en 1639 dit ceci : « Au lieu où le roi Childebert fit construire à l’église de Saint-Vincent, à présent dite de Saint-Germain-des-Près et à laquelle il donna son fief d’Issy, la commune opinion est qu’il y avait un temple d’Isis, femme d’Osiris ». 

     
    Vierge noire de la cathédrale de Mende.
     
     
    La Vierge noire de Saint-Jean-Cap-Ferrat
     (source : wikipedia)
     
     
     
      

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