ET DE DEUX. Il y a quelques semaines, la révélation de l'existence d'un trou géant de 80 mètres de diamètre dans une région difficile d'accès de la Sibérie stupéfiait les internautes, et intriguait les scientifiques. Le mystère s'épaissit, puisque c'est un second trou qui vient d'être découvert à 50 km du premier.
En fait, la découverte du 1er trou dans la péninsule de Yamal, en Sibérie pourrait remonter à deux ans, selon l'agence de presse russe Russia Today. Mais la diffusion d'une vidéo sur YouTube avait provoqué un emballement médiatique et scientifique. Si bien que, le 16 juillet 2014, une équipe scientifiques était dépêchée sur place par les autorités locales afin d'examiner les lieux. C'est elle qui vient de mettre la main, si l'on peut dire, sur le second cratère.
Quelles hypothèses pour expliquer l'apparition des trous ?
Le premier gouffre mesure près de 80 mètres de large et sa profondeur n'est pas encore connue. Sur les images on voit un éjectat de terre tout autour, elle apparaît plus foncée que la steppe alentour. Au tout début de la vidéo, enregistrée depuis un hélicoptère, on aperçoit brièvement une ouverture dans le sol, remplie d'eau, à environ deux cent mètres du cratère.
Qu'est-ce qui a causé ce phénomène géologique ? Seuls les prélèvements de matériaux qui sont en cours permettront d'avoir une certitude. En attendant les résultats, Sciences et Avenir a interrogé Gilles Grandjean du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). A la mi-juillet 2014, Le scientifique envisageait trois hypothèses :
Un impact de météorite
Un corps d'origine céleste a pu former un tel cratère, les exemples sur Terre sont nombreux. "Dans le cas présent la morphologie du cratère avec un fond plat recouvert d'eau et la présence d'un second trou permet d'exclure presque à coup sûr cette hypothèse" estime le scientifique.
Une explosion d'une poche de gaz
Dans cette région gazière (le trou est situé à 30 km du complexe gazier deBovanenkovo), il existe de nombreuses poches de gaz souterraines. L'une d'elle a pu exploser et provoquer la détonation d'une poche voisine. Ce qui expliquerait la présence du deuxième trou plus petit qu'on aperçoit au début de la vidéo. Pour déclencher l'explosion, il faut cependant une étincelle. Des phénomènes naturels, comme la foudre, peuvent en produire, il faudrait alors qu'elle "tombe" pile au bon endroit.
Un phénomène géo-morphologique : le pingo
Un pingo se forme lorsqu'un amas d'eau souterraine gèle. La glace prenant plus de place que l'eau, elle soulève la terre située juste au-dessus ce qui forme un petit dôme. Lorsque la température de l'air augmente, le cœur de glace fond et provoque l'effondrement du dôme. Cette hypothèse permet également d'expliquer le résidu d'eau au fond du trou. Les pingos se trouvent fréquemment dans les régions froides comme la Sibérie.
Un pingo est une colline de glace recouverte de terre et qui se rencontre dans les régions arctiques,subarctiques et antarctiques. « Pingo » est un mot inuit désignant une petite colline en forme de cône.
Caractéristiques
Les plus grands pingos peuvent atteindre 50 mètres de hauteur et 900 mètres de largeur mais la largeur moyenne est de 200 mètres. L'angle de la pente va de 34 à 38°, rarement plus de 45°.
Les plus nombreux se rencontrent dans le delta de la Mackenzie dans le grand nord canadien. On en rencontre aussi dans le Svalbard, en Scandinavie, en Alaska, au Groenland, en Antarctique et en Sibérie où ils sont appelés boulgounniakh selon un terme iakoute.
Les pingos sont souvent classés en deux catégories :
- hydrostatiques : c'est un système clos, l'eau formant le pingo provient du pergélisol ;
- hydrauliques : c'est un système ouvert, l'eau formant le pingo provenant d'une source extérieure (pluies, eaux de ruissellement, pergélisol profond, etc).
On distingue les deux types en mettant en évidence la présence (hydrostatique) ou l'absence (hydraulique) de dépôts lacustres. Le fonctionnement des pingos hydrauliques est moins connu que celui des hydrostatiques.
Le terme pingo a été mentionné la première fois en 1938 par un botaniste spécialiste de l'arctique : A.E. Porsild. En son honneur, un pingo porte son nom dans le delta de la Mackenzie.
Les pingos ne peuvent se former que dans un environnement mettant en jeu un pergélisol et un terrain meuble. Ainsi, en retrouvant les traces d'un pingo, on peut en déduire que le site fut occupé par un permafrost.
Les pingos hydrostatiques se forment en général de manière isolée (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas d'autres à proximité) tandis que les pingos hydrauliques ont tendance à se former par groupes.
Formation
Les pingos ne grandissent que de quelques centimètres par an et les plus grands peuvent mettre des centaines d'années à se former.
Le processus repose sur la dilatation de l'eau lorsqu'elle gèle et sur les cycles de gel et dégel du pergélisol.
Les pingos hydrostatiques se forment sous des lacs dans un sol soumis au pergélisol. La présence d'un lac isole le sol en dessous, le protège du froid ainsi il ne se transforme pas en pergélisol. Lors du dégel, il arrive que certains de ces lacs se vident rapidement. Le sol non gelé gorgé d'eau est alors en contact avec le froid et gèle. L'eau sous pression contenue dans le sol se regroupe sous la forme d'une lentille de glace selon le principe d'un puits artésien, se dilate et soulève le pergélisol qui le recouvre.
D'années en années, le pingo grossit par apport successif d'eau venant du sol. On assiste alors à la naissance d'une colline dont le cœur est formé de glace, recouverte d'une couche de pergélisol et pouvant comporter à son sommet un petit lac formé de l'eau de fonte de la glace du pingo qui se retrouve à l'air libre.
Lorsque l'érosion (par solifluxion le plus souvent) dégage la glace du pingo, celle-ci se met à fondre. Le pingo se transforme alors en un lac ou une dépression bordée par un talus formé des anciens terrains recouvrant le pingo. Par analogie avec le profil inversé de ces pingos effondrés, certains géologues les désignent sous le nom d'ognip.
Le mécanisme de formation des pingos hydrauliques est moins connu. On pense que l'eau à l'origine du pingo provient de montagnes adjacentes à une plaine et que l'eau circule dans le sol et remonte sous la forme de puits artésiens.
(source : wikipedia)
PINGOS, PALSES ET LITHALSES
Ces diverses formes périglaciaires, parfois regroupées sous le nom d'hydrolaccolites, comprennent les pingos, les palses et les lithalses.
La plupart d'entre eux sont apparus pendant les époques glaciaires, essentiellement dans le nord de l'Europe ; mais à l'heure actuelle encore, des hydrolaccolites prennent naissance sous les climats froids de l'Alaska et du nord-ouest du Canada par exemple.
En surface, ils se traduisent par des buttes, puis, au réchauffement du climat, apparaissent des mares, généralement circulaires, les cicatrices, fréquemment nommées en Francelaquets.
Les lentilles de glace résultent de la migration d'eau dans le sol, eau ultérieurement transformée en glace sous l'influence du climat. Cette migration peut-être avoir différentes origines, d'où les diverses appellations : pingos, palses et lithalses.
LES PINGOS
Ici, la migration de l'eau peut être causée :
-- soit par la mise en pression de la nappe phréatique par suite du gel
-- soit par un écoulement gravitaire
On rencontre donc deux types de pingos (mot esquimau) :
Les pingos du premier type sont dits en système fermé ou encore pingos type delta du Mackenzie.Phase 1 - Un lac protège du gel les terrains situés en dessous de lui, alors que, plus bas, s'étend le pergélisol, qui peut, même à l'heure actuelle, atteindre 600 mètres d'épaisseur.
Phase 2 - Il arrive parfois que le lac se vide ou se remplisse d'alluvions ; le gel pénètre alors progressivement dans les terrains sous-jacents, laissant subsister tout d'abord une zone non gelée au-dessus du pergélisol, zone qui peut être fermée de toutes parts.
Phase 3 - L'augmentation de volume due au gel de l'eau située dans le terrain en cours d'engel engendre une mise en pression. Profitant d'un point faible, une partie de l'eau remonte, donne naissance à une lentille de glace d'injection qui soulève le sol. Un pingo prend naissance.
Le phénomène peut se reproduire chaque année, entraînant l'augmentation progressive de la taille du pingo.
Après le froid de la glaciation, le climat se réchauffant, la lentille de glace commence à fondre.
L'érosion s'attaque au pingo, essentiellement par coulées de solifluxion, mais aussi par l'action des pipkrakes.
Les terrains emportés par la solifluxion édifient parfois autour du pingo une sorte de margelle, un rempart.Le réchauffement continuant, la glace disparaît complètement ; une cicatrice apparaît à la place du pingo, souvent occupée par une mare, souvent appelée laquet.
Un rempart peut ou non exister selon les cas.
On peut se demander dans quelles circonstances un lac peut se vider. Ce n'est pas courant !
Mais le delta du Mackenzie, au Canada, n'est pas un endroit ordinaire !
Outre les lacs très nombreux (taches noires sur la photo) - entre lesquels il a cependant été possible de tracer une route (flèches blanches) - le delta abrite 1400 pingos en cours d'évolution.
Au large, ont été recensés 200 pingos sous-marins, édifiés, peut-être, au maximum de la glaciation, où le niveau des mers était inférieur à l'actuel.
Les pingos peuvent atteindre des dimensions assez importantes: jusqu'à 70 mètres de hauteur et 600 mètres de diamètre. Généralement circulaires, ils peuvent parfois présenter des formes plus allongées.Sur l'île Prince Patrick (Canada) Pissart a observé une forme de 1300 mètres de longueur et de 9 mètres de d'élévation.
Un réseau de fractures radiales apparaît parfois à la partie sommitale de pingo.
D'autres ressemblent à des cratères volcaniques qui présentent une certaines analogie de forme avec de petits appareils islandais. Leur sommet est le plus souvent alors occupé par un petit étang.
Les pingos sont rarement groupés.
En Alaska, par exemple, on compte 10 pingos sur un territoire de 260 km2.
LES PALSES ET LES LITHALSES
Ici la migration de l'eau n'est pas liée à la présence d'un lac ou d'un terrain en pente comme pour les pingos.
Il semble que le moteur de cette migration soit une différence de conductibilité thermique du sol.
L'eau se rassemble alors en des lieux propices où, durant la saison froide suivante, elle donnera naissance à une lentille de glace.
Si le terrain poreux est constitué de tourbe, on aura affaire à une palse.
S'il est formé de sédiments sableux ou encore de tufs volcaniques, ce sera une lithalse (ou palse minérale) qui prendra naissance.
Les palses et les lithalses sont rarement isolés et se groupent par dizaines ou par centaines (on parle ainsi de champs de laquets) ; leur diamètre va de quelques mètres à quelques dizaines de mètres.
Près de Sersheim (Bade-Würtemberg, Allemagne), une dépression circulaire, généralement considérée comme une cicatrice de pingo.
Son environnement (terrain horizontal, dépourvu de traces d'ancien lac) nous incline plutôt à considérer qu'il s'agit plutot d'une cicatrice de lithalse.
Diamètre de l'ordre de 80 mètres.Des cicatrices de lithalses, les viviers des Hautes Fagnes (Ardennes belges).
On a pu dater ces formes du Dryas récent (vers 10 000 à 12 000 ans BP).
Photo Albert PISSART
Cicatrice de pingo au Canada, avec un imposant rempart. Photo Th.Vincent
En France, à l'heure actuelle, n'apparaissent, bien entendu, plus de pingos.
Mais ceux créés lors de la dernière glaciation ont donné naissance à des formes parfois encore très visibles.
Dans l'Aubrac, près de Nasbinals (Lozère), les nombreux laquets sont souvent considérés comme des cicatrices de pingos, quoique d'aucuns les considérent comme étant des kettles.
Leur grand nombre ainsi que le fait qu'ils sont formés dans des tufs volcaniques spongieux nous incite toutefois à penser qu'il peut s'agir de lithalses, mais nous n'avons pas visité ce site.
On trouve également des cicatrices de pingos dans le Nord de la France ainsi que dans le Berry (ce sont alors des mardelles)ou en d'autres régions de France et de Belgique.
Jusqu'à présent, aucune cicatrice de pingo n'avait toutefois été signalée dans les Alpes.
Nous pensons toutefois avoir identifié un champ de laquets, cicatrices de lithalses remplies d'eau, près du col de Cenise dans le massif des Bornes (Haute-Savoie), au-dessus duPetit Bornand.
Les deux photos qui suivent sont donc relatives à ce site et nous renvoyons le lecteur intéressé par des précisions complémentaires à la page Préalpes du Nord.
Ne pas confondre pingos et kettles,
même si leurs cicatrices présentent une certaine convergence de formes !
Les pingos, de même que les palses et les lithalses, sont des formes périglaciaires engendrées par des circulations d'eau dans le sol.
Les kettles sont des formes glaciaires, résultant du transport par un glacier d'énormes masses de glace protégées de la fusion par des pierrailles.
Les pingos sont créés souvent très loin des glaciers, alors que les kettles ne se rencontrent que sur les flancs des vallées parcourues jadis par ceux-ci et surtout aux environs de leur vallums terminaux.
Plus amples détails à la page ôs et kettles.
Cette page doit beaucoup aux articles du Professeur Albert Pissart (Université de Liège, Département Géomorphologie et Géologie du Quaternaire) paru dans les « Documents de la Station Scientifique des Hautes Fagnes » en 1986, 1999 et 2000.
On pourra consulter son site home2