• La symbolique des arbres

    Observations et symboles

     La symbolique des arbres

    Symbolique des arbres

     Texte de Pierre-Émile Rocray, ingénieur forestier et responsable de la Maison de l'arbre du Jardin botanique de Montréal Communication présentée en février 1997 dans le cadre des déjeuners-causeries de la Société de l'arbre du Québec

     L'Homme accorde souvent à ses rêves ainsi qu'aux phénomènes, objets ou faits qu'il observe autour de lui, ne serait-ce que par leur forme ou par leur nature, des associations d'idées spontanées ou des correspondances analogiques avec quelque chose d'abstrait ou d'absent.

    Ce sont ces correspondances ou ces associations qu'on appelle "symbole". Il s'agit souvent d'objets ou d'images qui évoquent parfois, dans notre imaginaire, des valeurs magiques, mystiques, divinatoires et surnaturelles. Lorsque l'analogie est naturelle avec l'objet auquel elle se rapporte, le symbole est habituellement plus facile à saisir.

    L'Arbre n'a pas échappé aux règles du sens et de la signification car il renferme à lui seul des thèmes symboliques parmi les plus riches et les plus répandus.

     Le Chêne

     Arbre sacré dans de nombreuses traditions, le Chêne est investi de privilèges accordés à la divinité suprême parce qu'il attire la foudre et symbolise la majesté. En tout temps et en tout lieu, le Chêne est synonyme de force et de solidité. C'est du moins l'impression qu'il laisse quand il atteint sa maturité. Ne soyons donc pas étonnés d'apprendre que les termes "chêne" et "force" se traduisent en latin par le même mot, symbolisant autant la force morale que physique. C'est auprès d'un Chêne qu' Abraham reçut les révélations de Yahvé. Son rôle axial en faisait un instrument de communication entre le Ciel et la Terre. D'après Pline l'Ancien, lequel s'appuie sur l'analogie du grec (drûs), le nom des druides est en relation étymologique avec le nom de Chêne, d'où la traduction hommes de Chêne. Adoré par les Celtes, le Chêne représentait pour eux l'emblème de l'hospitalité et l'équivalent d'un temple. Ils croyaient ces arbres habités par des nymphes, d'où la création de mesures sévères pour condamner ceux qui les abattaient sans nécessité. Un abattage autorisé conduisait vers des rituels religieux pour permettre aux nymphes de se retirer de l'arbre avant sa chute, afin d'éviter leur vengeance.

     L'Acacia

     On dit que l'arche d'alliance était en bois d'Acacia plaqué d'or, et que la couronne d'épines du Christ provenait de ce même arbre. Dans la pensée judéo-chrétienne, cet arbuste au bois dur et presque imputrescible, aux épines redoutables et aux fleurs arborant les couleurs du lait et du sang, est un symbole de renaissance et d'immortalité.

    Le Peuplier

     Cet arbre propre à l'hémisphère boréal tire son nom du mot latin Populus et de l'ancien français Poplier, deux termes qui signifient Peuple. La légende dit que c'est l'Arbre du peuple puisque ce serait sous des Peupliers que celui-ci prenait autrefois des décisions importantes.

    L'Aubépine

     On accordait à cet arbre des pouvoirs permettant de détourner la foudre, de conserver la viande, d'empêcher de faire tourner le lait et d'éloigner les serpents ; d'où des plantations fréquentes d'Aubépines à proximité des granges et des étables.

    Le Saule

     Une croix faite avec deux rameaux de Saule, que l'on jetait dans l'eau d'une source sacrée, permettait de connaître l'imminence ou non de sa mort. Une croix flottante annonçait une mort certaine dans les mois suivants. Celle-ci était cependant éloignée si la croix coulait ; plus éloignée encore si elle atteignait rapidement le fond de l'eau. Le phénomène apparaît toutefois contradictoire quant à la mort associée à la flottaison plutôt qu'à la disparition de la croix.

    L'Amandier

     Signe de la renaissance de la nature, cet arbre à la feuillaison printanière est aussi un symbole de fragilité car ses fleurs, ouvertes dès l'arrivée du printemps, sont sensibles au gel tardif. Chezles Grecs, l'amande pressée était comparée à la semence de Zeus, en tant que puissance créatrice. On affirme même que l'Amandier remonte directement à ce Dieu et que son fruit peut féconder une vierge indépendamment de l'union sexuelle. Selon une croyance qui tient encore en Europe, la jeune fille qui s'endort sous un Amandier en rêvant à son fiancé, peut soudainement se réveiller enceinte.

    Le Bouleau

     La littérature est peu bavarde sur la symbolique du Bouleau. Pourtant, les chamans de la Sibérie vantaient les vertus thérapeutiques de cet arbre des régions froides et tempérées. Ils n'hésitaient pas à monter dans ses branches pour mieux entrer en contact avec les Dieux de l'autre monde. On peut également s'interroger sur les raisons inconscientes qui font autant apprécier le Bouleau comme arbre d'ornement, une essence qui, pourtant, ne possède pas une grande espérance de vie et qui, mis à part sa beauté esthétique, offre plus d'inconvénients que d'avantages en ornementation. S'agit-il de sa blancheur, un symbole de pureté, ou de l'extrême finesse de sa ramure qui rend cet arbre si attirant?

     

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    Le Cyprès

     Cet arbre sacré chez de nombreux peuples, grâce à sa longévité et à sa verdure persistante, est également nommé "Arbre de vie", à l'instar du Thuya. Chez les Grecs et les Romains, le Cyprès est en rapport avec les divinités de l'enfer. Il est l'arbre des régions souterraines, d'où sa présence remarquée dans plusieurs cimetières du bassin de la Méditerranée.

    Le Pommier

     Le Pommier se trouve au centre de plusieurs croyances, dont celles de procurer la sagesse, d'améliorer les connaissances et d'acquérir l'immortalité. Son fruit est identifié depuis très longtemps comme un fortifiant et comme un remède préventif contre la maladie. À cet effet, souvenons-nous du vieux proverbe anglo-saxon: "An apple a day keeps the doctor away".

    Le Sapin

     On dit que le Sapin empêchait la foudre de tomber et conjurait les mauvais sorts. En Allemagne,on flagellait autrefois les femmes durant le mardi gras, avec des branches de cet arbre, dans le but de leur permettre d'avoir des enfants.

    L'Olivier

     La richesse symbolique de cet arbre est abondante : récompense, purification, force, paix, victoire, fécondité. Consacré à la Déesse grecque Athéna, l'Olivier l'était également au Dieu romain Jupiter. Comme symbole de paix, il faut se rappeler que vers la fin du déluge, une colombe rapporta une branche d'Olivier vers l'arche de Noé. Selon une vieille légende, la croix du Christ était fabriquée de Cèdre et d'Olivier. Dans le langage du Moyen-âge, cet arbre symbolisait l'or et l'amour.

    Le Frêne

     À l'instar du Chêne, le Frêne est un symbole de solidité puissante. On en faisait des hampes de lances. Dans les traditions scandinaves, cet arbre symbolise l'immortalité et sert de lien entre les trois niveaux du cosmos. Dans les anciens pays baltes, l'homme étourdi et un peu niais est qualifié de frêne car il est considéré comme aveugle. En effet, ne sachant pas quand vient le printemps, il reste longtemps dénudé. Tandis qu'à l'automne, craignant de paraître ridicule à nouveau, il est le premier à se dépouiller rapidement de toutes ses feuilles. Dans l'Europe nordique, le Frêne est le symbole de la fécondité. Il est perçu comme l'arbre de la féminité car c'est dans sa ramure qu'une femme peut suspendre certaines amulettes qui fontbattre le coeur de l'homme qu'elle désire.

    L'Orme

     Cet arbre a toujours détenu des pouvoirs surnaturels. Dans la France du Moyen-âge, il était appelé "l'arbre de la justice" parce que c'était sous sa canopée que les seigneurs et les juges rendaient leurs jugements. On savait l'Orme capable de guérir diverses maladies cutanées, dont la lèpre. Les guérisseurs enlevaient des morceaux d'écorce d'Orme pour concocter des remèdes contre le rhumatisme. On attribue à trois Ormes plusieurs fois centenaires et situés dans le département de la Somme, le pouvoir d'avoir détourné la peste d'un village de cette région de la France, alors que des villages voisins étaient sévèrement touchés par le terrible fléau.

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    La symbolique de la forêt

     La forêt ramène presque toujours, chez la personne qui y pénètre, une notion de différence entre l'ici et l'ailleurs. Elle marque la limite spatiale entre la colonisation du territoire par l'Homme et la nature sauvage. La mythologie romaine souligne à cet effet que les Enfers étaient protégés du monde par la présence de forêts sacrées le long du fleuve Styx, lesquelles furent destinées à la destruction par des soldats romains. Mais leur violation fut empêchée par des moyens surnaturels qui terrifièrent les militaires et s'abattirent sur eux.

    Au Moyen-âge, les proscrits, les fous, les brigands, les ermites, les lépreux et les persécutés tenaient refuge dans les forêts de l'Europe du Nord. L'Église, qui cherchait à imposer la Croix, se montrait tout à fait hostile à cette barrière naturelle et inculte qui servait à abriter les païens.

    D'ailleurs, divers conciles tenus à partir de l'an 452 de notre ère, statuaient contre l'adoration des arbres et considéraient comme sacrilèges les rituels qu'on pratiquait dans ces lieux sauvages consacrés aux démons.Pour se faire une idée plus exacte sur l'ampleur des sites de vénération des arbres, mentionnons qu'un relevé d'arbres vénérés effectué en 1854, dans le département de l'Oise (France), indique que plus de 250 arbres servaient d'objet de consécration à cette époque-là. Les forêts sacrées de la préhistoire européenne sont probablement les précurseurs des forêts cathédralesde la chrétienté.

     En s'élevant à la verticale vers le ciel et en s'arrondissant de chaque côté de nous telle une voûte, la cathédrale gothique reproduit visiblement, dans son intérieur majestueux, les anciens lieux de culte où les grands arbres se rejoignaient dans leurscimes. S'agit-il d'une simple coïncidence ou d'un dérivé chrétien d'une correspondance très ancienne entre les forêts et le domaine des dieux?

    Ce sont donc probablement les forêts qui ont été les premiers temples de la Divinité, et les hommes s'en sont peut-être inspirés pour créer l'architecture. Les Égyptiens se sont d'ailleur  inspirés du Sycomore, du Figuier, du Bananier et d'autres arbres de l'Afrique pour créer les énormes piliers retrouvés dans leurs temples, tandis que les Grecs ont produit la gracieuse colonne corinthienne, ornée d'un chapiteau garni de feuilles, en s'inspirant du Palmier .

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    La symbolique planétaire des grands arbres

     Les grands arbres ont un rôle incontournable à jouer sur notre planète car ils sont les gardiens de la Terre et ce, de nombreuses façons. L'Homme fait partie intégrante de ce qu'ils gardent. En un sens, on peut symboliquement les considérer comme une école de philosophes charitables ayant une pureté non humaine et un immense désir de servir l'humanité. Les grands arbres sont vitaux pour toute forme de vie sur cette planète, car ils règlent partiellement les chutes de pluie et attirent des radiations internes aussi importantes et nécessaires pour la Terre, que ne l'est l'eau de pluie.Les arbres sont parfois les hôtes des espaces magnifiques et des grandes collines gorgées de soleil et de vent. Ils ont leur propre archétype et leur destinée, lesquels ont été élaborés au cours des âges, c'est-à-dire depuis près de trois cent millions d'années d'évolution. Les grands arbres ont aussi leur part du plan divin à accomplir et un travail à faire. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils ont été créés. Leur archétype se trouve toujours devant eux, inaccessible et hors de portée tel une chimère qu'ils poursuivent dans leur croissance et leur épanouissement.

    L'Homme contrôle aujourd'hui l'ensemble des forêts du monde, mais il commence à peine àreconnaître et à découvrir combien elles sont importantes et nécessaires. En recouvrant des milliers d'hectares d'une seule variété d'arbres à croissance rapide et sélectionnée pour de simples raisons économiques, l'Homme montre cependant qu'il est inconscient des véritables besoins de notre planète et qu'il ignore plusieurs rôles exercés par les arbres, dont celui d'être un merveilleux canal énergétique entre le ciel et la terre.

    Il est probable que si l'Homme était comme les grands arbres, c'est-à-dire en harmonie complète avec l'infini, les forces s'équilibreraient.

    La Terre a désormais besoin de ce qui lui est refusé par l'Homme, c'est-à-dire des forces qui descendent et qui remontent par les grandsarbres et qui exercent une influence stabilisante sur la vie des plantes, des animaux et de l'être humain.En abattant les grands arbres, la planète entière risque de devenir incapable de fonctionner, de se dessécher et de mourir. L'Homme se dépouille effectivement d'une certaine partie de lui mêmeet de son héritage quand il dénude le sol des grands arbres. Ces derniers ne sont donc pas en accord avec cette partie de l'humanité qui pille la Terre, et jamais ni nulle part le fossé entre l'Homme et les grands arbres n'a été plus accusé que dans les endroits où les vieux arbres ont été abattus avec insouciance. Les grands arbres agissent comme une peau protectrice de la Terre, et dans cette peau ils amènent les changements nécessaires. Leur gloire s'élève comme le parfum d'une fleur et bénit tous ceux qui viennent se reposer dans leur aura et dans leurs forêts. Les grands arbres, gardiens enracinés de la surface, transmetteurs vers laTerre, par le sol, des forces les plus élevées, ont un don à faire à l'Homme en cette ère devitesse, d'urgence et d'intense activité: un don de calme, de force, d'endurance, de gloire et d'harmonisation raffinée. En somme, tout ce qui est grandement nécessaire dans notre monde actuel.

     Les grands arbres sont des expressions de l'Amour pour la vie; expressionsd'abondance, d'unicité et de relations communautaires, voire planétaires.

    Bibliographie Chevalier, J. et A. Gheerbrant. 1969. Dictionnaire des symboles

     

    . Édition Robert Laffont/Jupiter, 

    1060 p. Hirsh, C. 1987.Les symboles. L'arbre. Éditions du Félin.109 p.aclean, D. 1980.

    La voix des anges. Éditions Le Souffle d'Or.188 p.Paquet, B. 1996.

    L'arbre et sa symbolique historique. Texte de conférence présentée aux Nocturnes du Jardin botanique de Montréal.17 p.© Société de l'arbre du Québec, 2002  

      

     

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