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Une empreinte pour la vie.
Une empreinte pour la vie
Konrad Lorenz constate que les poussins s'attachent à leur mère et se mettent à la suivre systématiquement, puis que les poussins peuvent s'attacher, comme si c'était leur mère, au premier objet mobile qu'ils voient à leur naissance. Il obtient ainsi des poussins qui le suivent, et d'autres qui suivent un simple ballon coloré. La présentation ultérieure de leur mère véritable ne change rien :
c'est bien le premier objet venu, le premier que les poussins voient à leur naissance, qui laisse son empreinte.
L'instinct comporte donc une part complètement déterminée, mais aussi un mécanisme de mise en place (dans l'exemple des poussins : l'identification de la « mère ») qui permet des associations étranges.
En 1927, Lorenz découvre l'empreinte, un processus d'apprentissage par lequel, pendant une courte période, les animaux s'attachent de manière irréversible au premier objet en mouvement qu'ils voient. Longtemps avant de devenir célèbre pour ses recherches sur les oies sauvages, le jeune Lorenz se consacra, dans sa maison d’Altenberg, à l’élevage de choucas. C’est en les étudiant qu’il découvrit le phénomène de l’empreinte.
L’œuvre d’un chercheur, lorsqu’elle a marqué un large public, est souvent réduite à un slogan : Darwin, par exemple, est «celui qui étudia les singes». De même, Lorenz est «le père des oies», ces oies cendrées qui le suivaient partout, à terre et sur l’eau. L’image la plus populaire de l’éthologiste le montre avec sa veste en laine, barbe et cheveux blancs, menant une troupe de petits palmipèdes qui, semble-t-il, le suivraient au bout du monde. Pourquoi ces animaux lui sont-ils si attachés? Parce que Lorenz a été la première chose en mouvement qu’ils ont vue à leur naissance : les oisons le considèrent comme leur mère, puis, plus tard, comme un partenaire. Tel est le phénomène d’«empreinte», observé par le zoologiste allemand Oskar Heinroth (1871-1945) en 1910, puis redécouvert et étudié par Konrad Lorenz en 1927.Des choucas très affectueux
Cette année-là, Lorenz a décidé d’élever des choucas dans sa maison d’Altenberg, afin de mieux les observer. On pense que l’éthologie est l’étude des animaux exclusivement dans les conditions naturelles de la vie sauvage. Néanmoins, Lorenz fera nombre de ses découvertes en observant des animaux qu’il garde chez lui ou qu’il laisse en liberté à proximité immédiate et avec lesquels il entretient un lien plus ou moins étroit. Il élèvera ainsi poissons et oiseaux, faisant preuve dans ce domaine de compétences étonnantes.
Il faut souvent un réel don de détective, écrit Lorenz dans son «Manuscrit russe», pour déceler les besoins d’animaux en captivité à partir d’infimes détails isolés de leur comportement ou pour déduire, de la façon dont un comportement est perturbé, les éléments du milieu naturel qui leur manquent ou les conditions d’élevage qui empêchent le déroulement normal de leur vie. En outre, il faut une bonne connaissance des organismes, un esprit de synthèse développé et une grande créativité, pour suppléer, avec les moyens d’élevage limités dont on dispose, à l’absence de certaines conditions, ou pour...(source : pourlascience)Comment parler aux animaux et recevoir des réponses
La connexion perdue : Retrouver la communication intuitive avec les animaux et la nature
Comment un animal sait qu'il appartient à sa propre espèce ?
Cette question n'est pas aussi évidente qu'il n'y paraît.
En effet, le nouveau-né n'a pas une reconnaissance innée des membres de sa propre espèce. Il doit l'acquérir par un processus particulier d'apprentissage qui s'appelle l'empreinte (ou imprégnation). En éthologie, l'empreinte (ou imprégnation) est un processus d'acquisition précoce et relativement rapide qui se distingue des autres processus d'apprentissage par une période sensible marquée et un acquis durable, voire irréversible (dictionnaire de l'éthologie de Klaus Immelmann).
Imprégnation et attachement
Au cours des périodes sensibles, ce processus d'empreinte permet à l'individu de reconnaître qui sont ses partenaires privilégiés. Nous évoquerons surtout l'empreinte filiale. L'empreinte filiale est le processus de développement par lequel le comportement social d'un jeune animal se restreint à un objet ou à une classe d'objet (Campan)
D'autres types d'empreinte ont été définis au biotope, au site, alimentaire, vocale (chez les oiseaux)…
Les éthologues parlent également de phénomènes d'attachement, chez les oiseaux et les mammifères, qui s'expriment dans le développement des préférences filiales et sexuelles. Les deux processus, imprégnation et attachement, sont deux processus différents, même si certains emploient les deux termes indifféremment (cf. imprégnation du chien).
Cette empreinte ou imprégnation permet à l'animal l'identification à son semblable, ce qui permet :
la reconnaissance des parents (empreinte filiale),
le développement des relations sociales préférentielles intraspécifiques,
le développement des relations sexuelles (empreinte sexuelle) aboutissant à la survie de l'espèce.
L'empreinte sexuelle est un cas particulier d'empreinte car chez certaines espèces, elle peut s'accompagner d'une reconnaissance de parentèle et aboutir à un appariement sélectif. Un animal mal imprégné est perdu pour l'espèce (imprégnation hétérospécifique).
L'empreinte filiale a été surtout étudiée chez les oiseaux, et en particulier par Konrad Lorenz (1903-1989). Toutefois, c'est Oskar Heinroth (1871-1945), maître de Lorenz, qui, au départ, a travaillé sur ce concept et l'a dénommé Prägung (cf éthologie objective).Expériences de Lorenz en éthologie
L'exemple le plus connu est celui des oisons qui, peu après l'éclosion, suivent le premier objet mobile qu'ils voient : il se crée un lien indéfectible avec cet objet qu'il conserve indéfiniment, d'où le terme d'empreinte. Cet objet est l'objet d'approche, puis de contact (ou de recherche de contact) qui provoque un bien-être, un apaisement et une réduction du stress du petit.
Bien entendu, dans la nature, le premier objet mobile qu'ils voient est leurs parents ou leur fratrie.
Mais, dans des expériences, ce peut être également un leurre, une boîte que l'on éloigne, ou Lorenz lui-même comme sur la photo ci-contre. Par contre, chez les poussins, si on dispose de plusieurs objets et d'une poule empaillée, ils auront une tendance naturelle à s'approcher de la mère naturelle. Les petits colverts préfèrent suivre des objets jaune-vert et les poussins des objets orange ou bleus. Ce processus apparaît pendant un laps de temps bien précis et variable selon l'espèce. Après cette période sensible, cette préférence s'estompe, sans disparaître complètement. Les modalités de l'empreinte sont, dans ce cas visuelles, mais elles peuvent être olfactives, et même auditives (oiseaux).
Les canetons carolin (Aix sponsa) se déplacent vers un signal acoustique intermittent en absence totale de stimuli visuels. Chez les poussins et les canetons, une empreinte auditive se réalise pendant la période prénatale.
Chez les espèces nidifuges, cette empreinte est très courte.
Les pigeons ne s'accouplent souvent qu'entre frère et sœur (empreinte très précoce), et la force de cet attachement est restée légendaire. L'attachement des canetons à leur mère se fait entre la 13ème et la 16ème heure de vie.
Du point de vue neurobiologique, la partie intermédiaire de l'hyperstriatum ventral médian (IMHV), surtout la gauche, serait impliquée dans la mémoire liée à l'empreinte filiale (avian brain nomenclature).
Le cortisol contrôlerait ce phénomène d'empreinte. Une injection d'ACTH la perturbe.
Empreinte ou imprégnation chez les mammifères.
Christian Moullec et ses oies
(Photo : creativecommons.org/Christian Moullec)
L'empreinte est donc un événement épigénétique majeur, car elle permet à l'individu de reconnaître qui sont ses partenaires privilégiés. Cette imprégnation se fait donc par apprentissage ! Mais cet apprentissage est particulier. L'empreinte apparaît :
sans renforcement (différemment de l'apprentissage opérant),
Cet apprentissage est dit perceptif ou par exposition : le petit se construit une représentation de l'objet auquel il se familiarise et qui déclenche l'approche. De nombreuses expériences ont montré que certaines caractéristiques (forme, couleur) intervient dans ce processus.
Cela expliquerait que l'imprégnation est plus tardive chez les espèces nidicoles, car tous les organes des sens ne sont pas fonctionnels à la naissance (cf. plus bas). Pendant une période sensible assez courte, toutefois, comme nous l'avons dit plus haut pour les oiseaux, après la période critique, la préférence perceptive s'estompe, sans disparaître complètement. Sans extinction possible.
L'imprégnation fait partie des apprentissages sociaux, avec l'apprentissage par imitation et l'apprentissage vicariant ou par observation.
Le moment de l'empreinte varie d'une espèce à l'autre.
Chez les espèces nidifuges (herbivores), animaux dont le développement sensorimoteur est pratiquement achevé à la naissance, cette empreinte est très rapide comme chez les oiseaux.
Chez les espèces nidicoles, animaux dont le développement anatomique, et en particulier, nerveux et sensorimoteur, n'est pas achevé à la naissance, ce processus est beaucoup plus lent.
Parmi ces espèces, on trouve entre autres, le chien et le chat, la plupart des rongeurs et les primates humains et non humains.
Certains scientifiques, Cyrulnik par exemple, semble lier imprégnation, attachement et sommeil paradoxal. Le rôle du sommeil est largement méconnu et, si le sommeil paradoxal semble faciliter la mémorisation des apprentissages, l'imprégnation des espèces nidicoles devrait être plus précoce car ce type de sommeil constitue près de 95% du sommeil des nouveau-nés.
Chez nos chiots et nos chatons, cette imprégnation commence pendant la période de transition pour se finir pendant ou même après la période de socialisation (4ème mois chez le chien)."La source de nos informations est indiquée pour chaque parution, mais au cas où l'auteur de vidéos, articles ou photos souhaiterait ne plus les voir figurer sur le site, qu'il nous en avertisse par mail, et nous les retirerons immédiatement"