Cryptobotanique, une étude très spéciale !
La cryptobotaniqe s'intéresse aux plantes dont l'existence est suspectée mais n'a pas été prouvée scientifiquement.
La cryptobotanique est aux végétaux ce que la cryptozoologie est aux animaux : l'étude des plantes dont l'existence n'a pas été établie scientifiquement et qui ne sont connues que par ouï-dire ou par des légendes. Le terme est également parfois utilisé pour désigner les plantes explicitement imaginaires.
Moins nombreux que les cryptides animaux, les cryptides botaniques le plus célèbres sont des plantes aux propriétés hors du commun, comme des arbres mangeurs d'hommes : Agneau Tartare, Arbre à bernache, Arbre mangeur d'hommes de Madagascar, Duñak, Umdhlebi, Ya-te-veo...
Agneau tartare
L'une des descriptions les plus anciennes et les plus souvent reproduites de l'agneau tartare provient des Exotericae Exercitationes de Jules-César Scaliger (1557) :
Agneau tartare du Garden Museum de Londres
Dans certaines descriptions, il est dit que c'est l'agneau lui-même qui broute les plantes qui l'entourent jusqu'à ce que mort s'ensuive. C'est par exemple, le cas dans celle faite par Claude Duret en 1605 dans son Histoire admirable des plantes et herbes esmerveillables et miraculeuses en nature, dans laquelle, il cite, l'agneau tartare, comme un exemple de « zoophyte » (littéralement, plante-animale en grec) au même titre que la mandragore :
Vue d'artiste du « Borametz de Scythie » publiée dans Histoire admirable des plantes et herbes esmerveillables & miraculeuses en nature (Éd.1605)
La créature est souvent appelée Barometz, Boramets, Boramez... Ce terme (et ses diverses variantes orthographiques) serait un dérivé des mots "mouton" ou "agneau" dans diverses langues slaves : баран baranen russe et ukrainien, beran en tchèque...
Bien que de nombreux autres ouvrages fassent référence à l'agneau tartare, généralement en se basant sur le texte de Scaliger, des doutes quant à son existence apparaissent dès 1557 dans le De Rerum Natura (« Des choses de la nature ») de Girolamo Cardano.
En 1683, l'explorateur Engelbrecht Kaempfer se rend en Perse (Iran) à la recherche de l'agneau tartare, sans succès, et parvient à la conclusion qu'il s'agit d'une légende, vraisemblablement causée par une mauvaise compréhension de la langue des vendeurs de laine de la région.
En 1698, Sir Hans Sloane, futur fondateur du British Museum, reçoit un spécimen qu'on lui présente comme un agneau tartare rapporté d'Inde. Il s'aperçoit toutefois qu'il s'agit du rhizome de Cibotium barometz, une espèce de fougère chinoise, retourné et découpé de façon à ressembler à un mouton. Ce spécimen est aujourd'hui encore exposé au Garden Museum de Londres.
Vue d'artiste de l'agneau tartare
Vers la même époque, d'autres agneaux tartares montrés dans des cabinets de curiosité sont également expliqués par des trucages similaires. Au 18ème siècle, dans son article de l'Encyclopédie consacré à l'agneau tartare, Diderot conclut :
L'agneau tartare tel qu'il apparaît dans le Mariage des Fleurs de D. de la Croix (1798)
Voilà donc tout le merveilleux de l'agneau de Scythie réduit à rien, ou du moins à fort peu de chose, à une racine velue à laquelle on donne la figure, ou à-peu-près, d'un agneau en la contournant.
Origines
Selon Henry Lee, auteur de The Vegetable Lamb of Tartary; A Curious Fable of the Cotton Plant (1887), le mythe trouverait son origine dans les premières description des cotonniers.
Gravure illustrant le livre de voyages de Sir John Mandeville, qui décrit la plante comme « portant un fruit comestible ressemblant à un « petit agneau sans laine »
Une créature mi-plante mi-agneau appelée Jeduah (ידוה) apparaît dans le folklore juif dès 436 ap. J-C, qui ne pouvait être tuée qu'en coupant sa tige avec des flèches, après quoi elle mourait rapidement. Une variante de cette légende parle du Faduah, une créature mi-homme mi-plante reliée à la Terre par une tige partant de son nombril, qui tuait toute créature passant à sa portée et se nourrissait d'herbe.
Représentation de l'agneau tartare par Mathieu Mérian (1646)
Dans The Shui-yang or Watersheep in Chinese accounts from Western Asia and The Agnus Scythicus or Vegetable lamb of the European mediaeval travellers by Gustav Schegel (1892), Gustav Schlegel suggère que la légende de l'agneau tartare s'est inspirée de celle du mouton d'eau chinois (水羊, pinyin : shuǐ-yáng), lui aussi décrit comme une créature mi-agneau mi-plante reliée au sol par un cordon ombilical et qui aurait vécu dans les environs de la Perse.
Il est dit que les habitants de la région protégeaient ces agneaux des prédateurs sauvages en construisant des barrières autour d'eux, le temps qu'ils aient fini de pousser. Une fois leur croissance terminée, les habitants revêtaient des armures et jouaient du tambour pour effrayer les agneaux, qui rompaient alors leur cordon ombilical en s'enfuyant et partaient à la recherche d'eau et de pâturages.
Une explication veut que cette légende chinoise ait été inspirée par la façon dont certains coquillages produisent du byssus, des fibres parfois qualifiées de « laine de mer ».
La légende de l'agneau tartare a également été comparée à celle de l'arbre à bernache, sur les branches duquel pousseraient des oiseaux.
Représentation de Cibotium Barometz et des « agneaux » obtenus à partir de son rhizome, par Worthington Smith
L'explication la plus populaire à l'heure actuelle est que la légende a été inspirée par l'apparence de Cibotium barometz, comme le spécimen reçu par Sir Hans Sloane, à cause du duvet similaire à de la laine qui recouvre et son rhizome et de sa forme évoquant un quadrupède lorsqu'il est découpé et retourné. La plante doit par ailleurs son nom (barometz) à la légende de l'agneau tartare.
Noms alternatifs : Agneau de Scythie, Boramets, Borametz, Barometz, Borometz, Boramez, ...
Localisation : variable selon les auteurs, de l'Iran à l'Inde en passant par l'Afghanistan et le Sud de la Russie ;Asie centrale
(source : paranormal-encyclopedie)
ya-te-veo
Le ya-te-veo (« je te vois », en espagnol) serait un arbre d'Amérique Centrale et d'Amérique du Sud qui se nourrirait non seulement d'insectes mais aussi d'animaux de plus grande taille, y compris des êtres humains. Puisque son existence n'a jamais été prouvée et qu'il n'est connu que par des témoignage épars, l'étude du ya-te-veo relève de la cryptobotanique.
Il en existe plusieurs descriptions mais la plus souvent reproduite est celle qu'en a faite J. W. Buel dans son livreLand and Sea, en 1887, qui lui aurait été transmise par l'une de ses connaissances ayant longtemps vécu en Amérique Centrale :
Traduction approximative du récit donné dans Land and Sea, par J. W. Buel , 1887
Représentation du Ya-te-veo dévorant un homme, publiée dans l'ouvrage de J. W. Buel
(source : paranormal-encyclopedie)
Duñak
Selon le folklore tribal des Philippines, le Duñak serait un arbre anthropophage au feuillage épais et au tronc rouge sombre. Comme le Ya-te-veo d'Amérique du Sud, il n'est connu que par ouï-dire : son existence n'a jamais pu être établie, son étude relève donc de la cryptobotanique.
La légende veut que lorsqu'un animal passe sous les branches du Duñak, des vrilles épineuses descendent de son feuillage pour s'enrouler autour de lui et le soulever jusqu'au sommet de l'arbre, où il serait ensuite broyé et mangé. Bien qu'il soit dit que le Duñak s'en prend parfois aux êtres humains, il choisirait généralement des proies plus petites que les cerfs et autres ongulés de la région.
Des cryptobotanistes pensent que le duñak pourrait être une plante de grande taille de la famille des droséras, se nourrissant vraisemblablement de grenouilles et de petits mammifères. D'autres pensent que la légende du Duñak a été inspirée par l'une des espèces de python de la région.
Feuille d'une Drosera intermedia
L'existence d'un arbre carnivore tel que le duñak est jugée comme très improbable par les botanistes.
En effet, seules quelques plantes carnivores de petite taille ont adopté des pièges dotés de mouvements, permettant d'attraper leur proie de façon active.
Les plantes carnivores de grande taille attrapent leurs proies par des pièges passifs et immobiles ; en effet pour des raisons purement mécaniques (les mouvements des végétaux sont provoqués par des variations de pression osmotique au sein des cellules, provoquant leur contraction/élongation), réaliser des mouvements aussi rapides et complexes que ceux attribués au duñak est impossible à grande échelle -et cela nécessiterait de toute façon beaucoup trop d'énergie pour être réellement rentable.
De plus, le duñak devrait sécréter une quantité énorme de sucs digestifs pour arriver à assimiler une proie aussi grosse qu'un être humain -et la digestion prendrait vraisemblablement un temps conséquent.
La seule source d'information vérifiable au sujet de l'umdhlebi semble être un article publié dans le prestigieux journal Nature le 2 novembre 1882 par le révérend G. W. Parker, un missionnaire envoyé en Afrique du Sud.
Selon l'abstract de cet article :
Représentation du ya-te-veo dévorant un homme, parfois erronément présentée comme une image d'umdhlebi
Dans l'article, G. W. Parker mentionne que l'umdhlebi empoisonne sans doute les animaux qui s'en approchent pour que leur cadavre fertilise le sol. Ce serait donc un arbre "proto-carnivore".
Bien que Parker n'ait pu identifier formellement l'origine ou la nature exacte du poison, il a émis l'hypothèse qu'il s'agit d'un gaz toxique émis par le sol autour des racines de l'arbre.
L'existence de plantes proto-carnivores est attestée en botanique ; c'est le cas de nombreuses espèces, telles que l'ibicella (Ibicella lutea), la bruyère des marais (Erica tetralix) ou la dentelaire d'Europe (Plumbago europaea). Elles capturent les insectes à l'aide de leurs feuilles collantes comme du papier tue-mouche, mais incapables de les digérer (comme le feraient de vraies plantes carnivores), elles tirent simplement parti des nutriments apportés par la décomposition des corps.
En revanche, aucune plante connue à ce jour n'est capable de produire de gaz toxique.
Dans la note accompagnant l'article, le journal Nature compare l'umdhlebi à l'upas (Antiaris toxicara), arbre qui pousse notamment sur l'île de Java et qui produit un latex très toxique, aux propriétés cardiotoniques.
On pourrait de la même façon rapprocher l'umdhlebi d'autres arbres comme le mancenillier des Antilles (Hippomane mancinella), le sumac vénéneux (Toxicodendron radicans) ou le palétuvier aveuglant (Excoecaria agallocha) dont la sève est irritante et corrosive au contact de la peau.
À l'heure actuelle, plus de 125 ans après la publication de l'article de G. W. Parker, aucune preuve de l'existence de l'umdhlebi n'a été découverte. Les spéculations autour de cet arbre et de cet arbuste relèvent donc de la cryptobotanique.
Mkodo
La légende de l'arbre mangeur d'hommes de Madagascar trouve son origine dans le récit que l'explorateur allemand Carl Liche fit dans le South Australian Register en 1881, décrivant un sacrifice humain auquel il aurait assisté en 1878 dans les profondeurs d'une jungle malgache.
En compagnie d'un certain Hendrick, il aurait été guidé par des membres de la tribu des troglodytes « Mkodo » jusqu'à un arbre bien précis, se présentant sous la forme d'une sorte d'ananas de deux mètres et demi.
À son sommet, huit feuilles ressemblant à celles d'agaves longues de trois mètres et demi chacune et hérissées d'épines crochetées entoureraient une cuvette remplie d'un liquide mielleux. Il serait également couronné de longues vrilles vertes et d'un ensemble de tentacules, "constamment et vigoureusement en mouvement, avec [...] des pulsations subtiles, sinueuses et silencieuses".
Les parties en italique et entre guillemets de cet article sont une traduction approximative du texte de Carl Liche cités sur SFGate.com
Représentation de l'arbre mangeur d'hommes de Madagascar
Source : CongoPage
Les Mkodos auraient ensuite menacé l'une des leurs avec leurs lances pour la forcer à escalader le tronc de l'arbre et à boire avec réticence un peu du liquide contenu à son sommet. Selon Liche,
Liche et Hendrick auraient assisté à la scène sans réagir tandis que la femme se faisait dévorer par l'arbre :
Les Mkodos auraient ensuite fêté ce massacre.
Le récit de Carl Liche a également été présenté par un certain Benedict-Henry Revoil dans le livre « Souvenir de Madagascar, l’arbre anthropophage ». Dans cette version, il est de plus fait mention que les indigènes boivent la coulée liquide et visqueuse jaillissant de l'arbre après son repas.
Le récit de Carl Liche a également inspiré par la suite Chase Osborn, ancien gouverneur du Michigan, qui écrivit en 1924 un livre intitulé Madagascar, Land of the Man-eating Tree dans lequel il assura que des missionnaires avaient confirmé l'existence de l'arbre mangeur d'hommes.
Une invention de bout en bout
L'auteur scientifique Willy Ley a montré dans les années 1950 que l'histoire était une invention du début à la fin : Carl Liche n'a jamais existé, pas plus que les Mkodos ; et il n'y a en réalité pas de montagne dans la partie de Madagascar dans laquelle ils sont supposés vivre. Le récit attribué à Carl Liche est aujourd'hui parfois perçu comme une forme de propagande raciste, visant à présenter les populations indigènes de Madagascar comme des hommes des cavernes sauvages et anthropophages.
L'existence d'un arbre carnivore tel que l'arbre mangeur d'hommes de Madagascar est en outre très improbable d'un point de vue botanique.
Ainsi, seules quelques plantes carnivores de petite taille (dont la célèbre Dionaea muscipula, ou « attrape-mouche de Vénus ») ont adopté des pièges dotés de mouvements, permettant d'attraper leur proie de façon active.
Les plantes carnivores de grande taille sont immobiles et préfèrent attraper passivement leur proie ; en effet pour des raisons purement mécaniques (les mouvements sont provoqués par des variations de pression osmotique au sein des cellules, provoquant leur contraction/élongation), réaliser des mouvements aussi rapides et complexes que ceux attribués à l'arbre mangeur d'hommes est impossible à grande échelle – et cela nécessiterait de toute façon beaucoup trop d'énergie pour être réellement rentable pour la plante.
De plus, l'arbre mangeur d'hommes de Madagascar devrait sécréter une quantité énorme de sucs digestifs pour arriver à assimiler une proie aussi grosse qu'un être humain et la digestion prendrait vraisemblablement un temps conséquent.
Malgré cela, la légende de l'arbre mangeur d'hommes de Madagascar circule encore et est parfois présentée comme authentique, ce qui ferait de cette plante un sujet relevant de la cryptobotanique.
Photographie d'une jungle malgache... dans laquelle il n'y a ni Mkodo ni arbre mangeur d'hommes
(source : paranormal-encyclopedie)
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