Le mystère des «plaques de "Tjipetir"
De mystérieuses plaques s’échouent depuis plusieurs années sur les plages de France, d’Angleterre, d’Espagne, mais aussi en Allemagne et jusqu’au Danemark...
(Photo : Ouest-France)
Le mystère des «plaques de Tjipetir» ravive le fantôme du «Titanic» Par le figaro
Des centaines de plaques de gomme, arrivées sur le littoral atlantique ces dernières années, pourraient s'échapper des cales englouties du «Titanic».
Fin janvier, Benjamin se promène avec sa famille sur la plage de Mimizan, à la recherche de bois flotté. Mais les tempêtes des dernières semaines ont déposé sur le sable un curieux objet: une plaque de gomme grisâtre, d'environ 30 cm sur 50, gravée dans toute sa longueur d'une étrange inscription: «Tjipetir». Très vite, le jeune garçon apprend qu'il n'est pas le premier à faire ce genre de découverte, comme le raconte Sud-Ouest . Depuis près de deux ans, des centaines de plaques de ce type ont été retrouvées sur le littoral atlantique, depuis le nord de l'Espagne jusqu'au Royaume-Uni, sans que l'on sache précisément d'où elles viennent. En France, les premiers recensements datent de septembre 2013.
Dès les premières investigations, le mystère s'épaissit un peu plus. «Tjipetir» fait référence au nom d'un petit village de l'ouest de l'île de Java, qui, au début du XXe siècle, s'est spécialisé dans la fabrication de plaques de gutta-percha, un latex d'origine naturelle, servant alors à la fabrication de nombreux objets du quotidien, depuis les malles de voyage jusqu'aux balles de golf. Mais avec l'émergence des matériaux de synthèse, l'engouement pour la gutta-percha a peu à peu baissé et l'usine de Tjipetir a fermé en 1920. Quatre-vingt-dix ans plus tard, ses plaques arrivent pourtant sur nos plages.
Le dernier secret du «Titanic»?
La solution la plus crédible voudrait que ces plaques proviennent de la cargaison de quelque navire ayant fait naufrage au début du XXe siècle. Or, parmi les hypothèses, un nom se détache, celui du Titanic. Les plaques auraient donc sombré avec le géant au large de Terre-Neuve, la nuit du 14 au 15 avril 1912, avant d'être libérées un siècle plus tard du fait de la désagrégation de l'épave.
Cette théorie est d'autant plus séduisante qu'elle est scientifiquement cohérente. François Galgani, chercheur à l'Ifremer, souligne: «Je ne dis pas que ces plaques viennent du Titanic, mais rien ne permet d'infirmer cette hypothèse.» Les courants marins, le Gulf Stream et la dérive nord-atlantique ont très bien pu porter ces objets jusqu'à nos côtes. Autre indice, le très large spectre de dispersion des plaques atteste d'une provenance lointaine, bien au-delà du littoral. Enfin, la particularité de ce type de latex, qui se dégrade très rapidement à la lumière, indique qu'il est resté jusqu'à présent «dans un milieu protégé, comme les cales d'un navire».
Néanmoins, une porte-parole de la Cité de la mer de Cherbourg, qui consacre une exposition permanente au Titanic, estime que cette explication reste «improbable». «Nous avons vérifié la cargaison, il y avait bien trois caisses de plaques à bord du bateau, sans que l'on sache leur nombre exact ou qu'elles soient référencées par un numéro de série. Mais, ajoute-t-elle, on en trouvait dans les cales de tous les paquebots à l'époque.» Paul-Henri Nargeolet explore l'épave du Titanic depuis 1987. Mais surtout, il fait partie de la seule équipe à être, grâce à un robot, rentrée dans les cales du navire. Sa dernière exploration date de 2010: «On a bien vu des objets, assez difficiles à identifier, qui ressemblent à des plaques de gomme, mais ça pourrait aussi bien être des empilements de sac de toile. On m'a aussi demandé, ajoute-t-il amusé, si je n'avais pas vu la Renault du film [de Cameron, NDLR], qui a vraiment existé. Mais elle a sûrement été baladée pendant le naufrage, et comme il s'agissait de tôle fine, il ne doit plus rien en rester aujourd'hui.» Si l'épave s'émiette, elle ne lui semble pas encore assez détériorée pour «libérer» ses trésors.
Les plaques doivent donc provenir d'un autre bateau. Le Télégramme cite le cas du Moerdyck, un cargo néerlandais ayant fait naufrage dans la Manche en 1904, mais, dans ce cas, la position du navire n'aurait pas permis que les plaques se dispersent sur d'aussi grandes distances. En attendant, le Web s'amuse de chaque nouvelle découverte. Sur Facebook, une page a même été créée, «Tjipetir Mystery», invitant les internautes à recenser leur trouvaille. Et le champ des recherches ne cesse de s'élargir, puisque, samedi, une dernière plaque a été retrouvée sur le littoral suédois.
Une plaque indonésienne échouée 22 janvier 2013 La côte nord-finistérienne n'est pas la seule à «hériter» des fameuses plaques de gomme indonésienne gravées «Tjipetir», dont nous faisions état le 16janvier dernier. Un promeneur du dimanche a également immortalisé un spécimen similaire, sur la plage de Trez-Bellec, à Telgruc-sur-Mer, il y a une semaine. Si le mystère sur l'origine de ces plaques reste entier, le fait qu'elles aient pu dériver jusqu'à la baie de Douarnenez est un nouvel élément à verser au dossier.
Qui n'a pas encore trouvé une plaque ?
Patrice Coutellier fait désormais partie de ces centaines de personnes qui, sur les rives de l'Atlantique, ont eu la chance de découvrir des plaques de gomme fabriquées en Indonésie, au tout début du XXe siècle. Reste, pour lui et ses « collègues », à identifier le navire qui abritait la cargaison, qui se libère depuis 2010. Parmi les noms qui circulent, celui du Titanic fait débat et alimente tous les fantasmes. Début septembre, en balade en famille sur la plage de Lamm Saoz, Patrice Coutellier a eu le regard attiré par une plaque apparaissant dans la laisse de mer. Une inscription : « Tjipetir » « Je pensais qu'il s'agissait de bois flotté, comme on en trouve beaucoup depuis les dernières tempêtes de l'hiver.
Mais la forme extrêmement régulière de l'objet m'a intrigué ». Et à y regarder de plus près, l'objet n'est pas un morceau de bois et présente une étrange inscription en creux, « Tjipetir ». « J'ai déposé cette plaque chez moi, en évidence, mais sans m'en occuper vraiment. Mon épouse, sans doute plus curieuse, a fait des recherches et m'a expliqué que le nom n'était pas d'origine norvégienne, comme je le croyais. Nous ne sommes pas les premiers à découvrir de telles plaques ». De La Corogne jusqu'aux Pays-Bas En effet, depuis près de deux ans, des centaines de plaques de ce type ont été retrouvées sur le littoral Atlantique, depuis la Corogne (Espagne) jusqu'aux Pays-Bas, en passant par la Bretagne et le sud du Royaume-Uni. Et comme les inventeurs de ce trésor particulier, le couple apprend que « Tjipetir » fait référence à un petit village d'Indonésie, à l'ouest de l'île de Java. Une plantation d'hévéas appartenant au gouvernement des Indes orientales néerlandais a fait la fortune de ce petit village en produisant du gutta-percha, une gomme tirée du latex.
Après récolte, le latex était coagulé, lavé et élaboré en plaques par calandrages rectangulaires, mesurant 30 × 35 centimètres, aux coins arrondis et portant l'inscription « Tjipetir » en creux au centre. Transportées par cargo jusqu'en Europe, elles étaient utilisées pour protéger les câbles sous-marins, servaient à la fabrication de nombreux objets du quotidien, depuis les malles de voyage jusqu'aux balles de golf. Mais avec l'émergence des matériaux de synthèse, l'engouement pour la gutta-percha a peu à peu baissé et l'usine de Tjipetir a fermé en 1920. Une épave de bateau non localisée Si le lieu de fabrication est désormais bien connu, le mystère reste entier concernant la provenance de ces pièces. Il semble certain qu'elles proviennent d'une épave qui les libère au fur et à mesure. Mais personne ne peut avec certitude préciser le nom de cette épave, ni dire où elle a sombré. La particularité de ce latex, qui se dégrade rapidement à la lumière, indique qu'il est resté jusqu'à présent dans un milieu protégé, comme les cales d'un navire.
Deux plaques "Tjipetir" retrouvées en Espagne
Les plaques de gomme gravées "Tjipetir", et dont la provenance reste mystérieuse, sont décidément voyageuses : deux d'entre elles sont cette fois été retrouvées à une semaine d'intervalle en Espagne, près de La Corogne. La presse espagnole leur a consacré plusieurs articles (ici et là, par exemple). Ces deux dernières découvertes ouvrent de nouvelles possibilités, explique sur la page Facebook The Tjipetir Mystery, sur laquelle plusieurs dizaines de personnes se mobilisent, l'océanographe américain Curtis Ebbesmeyer : "cela suppose que certaines de plaques soient entrées dans le gyre océanique (système de courants) de l'Atlantique". On pourrait désormais en retrouver jusqu'aux Etats-Unis, estime-t-il, précisant qu'il faut à un objet flottant entre deux et trois ans pour traverser l'océan jusqu'en Floride, son probable point d'échouage. Pour autant, quel est le point de départ de ces plaques de Gutta percha, sorte de gomme dure provenant d'Indonésie et dont l'exploitation a pris fin au début du XXe siècle ? Chaque nouveau spécialiste rejoint les océanographes brestois interrogés en janvier par Le Télégramme : très probablement d'une épave qui les libère au fur et à mesure. Mais personne n'est encore en mesure de dire laquelle, et où précisément elle a sombré.
(source : letelegramme)
Tjipetir
D’où viennent ces plaques de gomme échouées sur les côtes de l’Atlantique ? Une Britannique pourrait bien avoir percé le mystère.
La mer n’en finit pas de cracher des plaques Tjipetir. Ces pièces de gomme, produites au début du siècle dernier en Indonésie, s’échouent depuis plusieurs années sur les plages de France, d’Angleterre, d’Espagne, mais aussi d’Allemagne et jusqu’au Danemark. D’où viennent-elles ? Pourquoi arrivent-elles encore sur nos côtes ? Proviennent-elles des cales du Titanic ? Ou d’un autre paquebot légendaire ?
En Angleterre, Tracey Williams, une promeneuse de Newquay, dans les Cornouailles britanniques, croit avoir la réponse.
Depuis 2012, la promeneuse britannique a multiplié les recherches sur ces fameuses plaques faites de gutta-percha, un latex d’origine naturelle, qui servait au début du XXe siècle à la fabrication de nombreux objets comme les balles de golf, ou pour protéger les câbles sous-marins.
Début 2013, elle a créé une page Facebook glanant ainsi des informations auprès d’autres promeneurs, explique-t-elle dans un article de la BBC. À l’été 2013, une piste sérieuse se dessine soufflée par deux personnes différentes. Elle porte le nom de Miyazaki Maru.
Abattu par un sous-marin allemand
Ce navire, construit au Japon en 1909, était un paquebot transportant marchandises et passagers. Parti de Yokohama, au Japon, le Miyazaki Maru fut abattu le 31 mai 1917 par un sous-marin allemand U-88, avant de sombrer à 240 kilomètres à l’ouest des îles Scilly, au débouché de la Manche, dans l’océan Atlantique.
Selon Tracey Williams, des plaques de gutta-percha se seraient échappées du navire au moment de la récupération de l’épave.
Le Miyazaki Maru. (Photo : DR)Une piste loin d’être jugée farfelue. Pour Alison Kentuck, qui répertorie les naufrages dans les eaux territoriales du pays pour le gouvernement britannique, les plaques pourraient provenir de ce navire japonais.
« L’hypothèse japonaise est intéressante, commente Olivia Hulot, du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines d’Atlantique, Manche et Mer du Nord (Drassm). Reste que 1917 est une période compliquée pour le transport de marchandises, car nous arrivons dans la deuxième partie de la Première Guerre mondiale. Mais ce n’est pas impossible. »
Dans les cales de plusieurs bateaux ?
Et le Titanic dans tout ça ? Lors de ses recherches, Tracey Williams a fouillé dans le manifeste du Titanic, qui répertorie tous les éléments constitutifs du navire et ce qu’il transportait, explique-t-elle à la BBC. Selon ce registre, le célèbre paquebot qui a sombré en 1912 au large de Terre-Neuve, transportait également des plaques de gomme dans ses cales.
« Nous avons vérifié la cargaison, il y avait bien trois caisses de plaques à bord du Titanic, sans que l’on sache leur nombre exact ou qu’elles soient référencées par un numéro de série, a précisé au Figaro une porte-parole de la Cité de la mer de Cherbourg. Mais on en trouvait dans les cales de tous les paquebots de l’époque. »Mystère et boule de gomme…